Aujourd’hui, nous sommes le 1er juin, date clé car c’est l’ouverture de la saison cyclonique du côté de chez nous. Pour expliquer un peu ce qui va nous tomber dessus ces mois prochains, j’ai décidé de faire un petit topo assez scolaire j’en conviens, sur les cyclones en atlantique nord…
Alors prêt à lire mon pavé ? :)
Tout d’abord kécecé ? Bah un cyclone, c’est une perturbation climatique caractérisée par des vents violents qui soufflent de façon circulaire autour d’un centre de basses pressions appelé œil. C’est aussi un terme général qui comprend les dépressions tropicales, les tempêtes tropicales et les ouragans (appelés typhons en Asie). Ces petites choses sympathiques sont classées en fonction de l’intensité des vents maximums établis…
Ainsi, on parle alors de DT quand les vents sont inférieurs à 63 km/h. Puis de TT, entre 63 et 117 km/h. Et enfin, au delà, on parle d’ouragan ! Ces derniers sont eux aussi classés en catégories selon leur puissance : de la classe 1 (gentil ouragan, oxymore !) à la classe 5 (le gros vilain méchant appelé super-cyclone !).
Je vous passe la description des mécanismes de formation mais plusieurs conditions doivent être réunies :
> une température élevée de la mer (minimum 26.5°C sur 50m de profondeur)
> un fort taux d’humidité
> des vents homogènes non cisaillés
> et enfin, la fameuse force de Coriolis pour engendrer le tourbillon…
Un phénomène cyclonique meurt avec à la disparition d’une de ces conditions.
On en trouve un peu partout sur le globe (Caraïbes, indien, pacifique…) mais ceux qui nous intéressent concernent le bassin atlantique nord. Classiquement, ils prennent naissance au large du Cap-Vert au niveau de la ceinture équatoriale (ZIC) sous la forme d’une onde tropicale (zone instable, nuageuse, pluvieuse…). La trajectoire habituelle de ces phénomènes est une parabole qui tend à suivre les alizés dominants tout en s’écartant de l’équateur. Donc pour nous, c’est est vers l’ouest puis nord-ouest au niveau de l’arc antillais puis nord, voire nord-est…
Mais comme chaque système a sa propre dynamique et que certains se veulent originaux, rien n’est jamais sûr concernant la trajectoire précise d’un cyclone même juste quelques jours avant…
Bassins de formation et trajectoires…
Les Antilles se situent en plein dans la zone à risque qui s’étend grosso modo des dernières îles du sud jusqu’aux Etats-Unis. A moins d’avoir une bonne raison d’y rester (le boulot en est-il d’ailleurs une ?), la sagesse voudrait qu’en bateau, on file se mette à l’abri plus au sud pour sortir du périmètre dangereux. Trinidad, Venezuela et autres… D’autant plus, que la saison cyclonique est clairement définie et s’étend de juin à novembre, avec une fréquence accrue à la fin de l’été quand l’eau est la plus chaude en août, en septembre et en octobre.
Alors bon avec tout ça, que faire et à quoi s’attendre si on fait le choix de rester aux Antilles ?
Il faut tout d’abord savoir que la puissance dévastatrice d’un cyclone concerne trois paramètres : le vent, la pluie et la mer.
Des vents violents soutenus peuvent évidemment occasionner de très gros dégâts, arracher les habitations ou même tiens, faire voler les bateaux… Les pluies sont aussi destructrices sinon plus, car ce sont elles qui sont la plupart du temps à l’origine des plus grosses dégradations et des pertes humaines (inondations, rivières en crue, glissement de terrains et autres…). Et enfin pour ce qui est du facteur mer, les cyclones sont à l’origine de vagues monstrueuses associées à une houle énergétique et à ce qu’on appelle la « marée cyclonique ». Elle se définie en fait comme une surélévation rapide et anormale du niveau de la mer, variant selon plusieurs facteurs comme la nature des fonds, Coriolis toujours, le vent, la pression atmosphérique…
Dans tous les cas, plus le baro tombe bas et plus l’eau va monter !
Sachant tout ça ; l’idéal maintenant c’est de se trouver un abri permettant d’amoindrir ces trois paramètres. Traditionnellement, les bateaux vont se cacher dans un « trou à cyclone », un petit lagon dans la mangrove… Le bateau est à l’abri le nez dans les palétuviers, toutes les ancres sont l’eau et une toile d’araignée est tissée avec les amarres reprises dans les arbres. Protection du vent et amorti. De plus, si le goulot de ce lagon est assez long et étroit, il offrira également une bonne protection contre la mer…
Côté Guadeloupe, rien de tout ça !
Les deux endroits réputés abrités sont la rivière salée et le lagon bleu de la marina Bas du Fort. Seulement, les ponts de la rivière sont inutilisables et désormais fermés. Quant au lagon, sa protection est toute relative…
Certes le risque mer est minimisé puisque nous sommes dans un lagon, à l’intérieur d’une marina, elle-même en dedans d’un port de commerce. On est finalement un peu « loin » de la mer… Mais qui dit marina, dit aussi grand nombre de bateaux (et pas toujours préparés), commerces et habitations aux toits de tôles qui peuvent s’envoler et surtout : pontons non construits pour encaisser un méchant cyclone ! La marina n’engage pas d’ailleurs sa responsabilité s’il y a de la casse…
¦ Tiens petite question à dix balles : vaut-il mieux des pontons en dur (quai en béton) qui vont se retrouver sous l’eau et faire péter les amarres ou des pontons en souple (catways comme ici) qui flottent mais qui sont bien plus fragiles et qui s’arrachent… ? Alors ? Kifkif, c’est le bateau qui trinque de toute façon… ¦
Avant la construction de la marina, lorsqu’il y avait moins de monde et que l’endroit était un mouillage dans la mangrove, alors là seulement, on pouvait peut-être parler de trou à cyclone pour le lagon bleu… Et encore que, les fonds de vase y seraient de très mauvaise tenue !
Sur les îles proches de la Guadeloupe, on compte quelques abris. Rien en Dominique. Il faut viser la Martinique ou Antigua, ce qui revient à faire … milles minimum. Sachant que la trajectoire d’un cyclone est toujours imprécise et qu’il peut y avoir une marche d’erreur de plusieurs centaines de milles, tenter de fuir au dernier moment n’est pas toujours la bonne solution. Envisager de descendre beaucoup plus bas genre Grenade… à la moindre alerte est illusoire car on n’ferait que ça pendant toute la saison. Alors autant rester là-bas, dans le sud, une bonne fois pour toute !
Donc voilà, vous l’aurez compris, on est bon pour croiser les doigts et les orteils (!) en priant pour que la Guadeloupe soit épargnée cette année, qui selon les météorologues sera assez active.
Évidemment, nous suivons quotidiennement la météo dans le secteur (voir la liste des sites consultés plus tard) et nous surveillons ça de près. J’ai également fait une check-liste pour préparer le bateau en cas d’alerte et nous avons déjà commencé à le mettre à poil.
Pour ce qui est de l’assurance, c’est finalisé. Nous sommes couvert en tous risques + cyclone. Pour info, la prime d’assurance annuelle chez ANP pour Renaissance s’élève à 2333 euros. (Axa monde avec exclusion cyclonique nous prenait 1600 euros).
La procédure pour souscrire à ce contrat est semée d’embûches et est assez longue. Ça nous a pris deux mois facile en les relançant… Obligation de posséder un téléphone satellite ou une balise 406, un buzzer sur la pompe de cale automatique, un gréement changé ou au moins révisé… Ils ont même pris contact sans nous en informer avec notre expert pour le questionner sur le bateau. Surprise quand ils nous ont demandé si le deuxième collier WC était en place. Hein… !? Dans notre rapport d’expertise, aucune note de ça ! Bon passons… Une bonne chose de faite tout de même.
Et puis voilà, que dire de plus sur le sujet… Et bien peut-être que nous avons bien conscience de prendre un risque mais que comme tout le monde ici, on essaie de relativiser en se disant que 1/ les gros vilains ne se forment pas tous les ans et que 2/ il faudrait vraiment ne pas avoir de pot pour qu’il nous passe pile au dessus la tête…
Sur ce, souhaitez-nous quand même une bonne saison 2013 ! ;)
(et bravo, si vous avez tout lu !)
Renaissance a bien regagné l’eau et vient tout juste de s’amarrer à son nouvel emplacement. Nous sommes désormais au ponton 8 de la marina Bas du Fort juste derrière la capitainerie. Mais… On projette déjà de changer de place car notre bout de ponton est à moitié pourri…
Sinon le temps passe assez vite ici. Mine de rien, c’est qu’on a beaucoup à faire pour s’installer et pour préparer la saison cyclonique en Guadeloupe.
Première étape : se trouver une voiture ! En comparant toutes les agences, nous avons dégotté une boîte de location en longue durée pas trop chère. L’autre possibilité était d’acheter une petite voiture sur place et de la revendre en partant. Mais entre le coût d’achat + l’assurance + la paperasse + les embrouilles imprévues… On a préféré laisser tomber et opter pour la location. Donc ça c’est fait, nous sommes désormais mobiles et cela nous coûte 12 euros par jour en tous risques.
Ensuite, pour ne pas vivre dans l’illégalité et dans la crainte des douaniers, nous devons régler la question de l’octroi de mer. En gros, si tu veux habiter sur ton bateau et travailler, il faut normalement payer une taxe ! Quoi !? Et oui, c’est la loi… Tout ce qui arrive ici et qui est donc importé est soumis à cette taxe. Je crois qu’elle s’élève grosso modo à 10% de la valeur du bateau. Autant dire que venir bosser 6 mois tout en payant l’octroi de mer est carrément inintéressant financièrement. Heureusement, il existe une possibilité de contourner ça sans frauder. Il nous faut obtenir une franchise d’octroi de mer dans le cadre d’un déménagement… De ce côté là, nous sommes donc en plein dans les papiers.
La Pointe des Colibris, tout au sud-est de Grande-Terre avec au loin la Désirade
Comme nous allons passer la saison cyclonique dans la zone à risque, nous décidons de revoir l’assurance du voilier. Nous nous sommes mis à la recherche d’une assurance tous risques acceptant les vieux bateaux, couvrant également cette zone géographique et évidemment le risque cyclonique. Les assurances remplissant tous ces critères ne sont pas si nombreuses et c’est vers Amlin, via STW, que nous allons nous tourner. Nous avons commencé les démarches, mais il nous faut avant tout finir de changer le gréement… Par contre, hyper bonne nouvelle, notre ancien assureur (Axa) accepte de nous rembourser la moitié de la prime payée l’année dernière car nous restons sur les Antilles au lieu de descendre sous le 12°N comme précisé dans le contrat ! Cool (et merci belle-maman qui s’est occupée de ça)
Le pataras est en ce moment chez le gréeur du coin pour une réplique identique. Avant de lui apporté : « Pas de soucis, fait pour la semaine prochaine… » Après le lui avoir apporté : « J’ai pas les pièces, pas avant trois semaines… » Bon, conciliant, il nous a quand même fait la facture un peu en avance afin qu’on puisse compléter le dossier pour l’assurance. Espérons juste qu’Eole restera tranquille le temps qu’on remonte le câble…
Voilà sinon Jean-Rémy a repris le boulot la semaine dernière. Et tout a l’air de bien se passer malgré les réveils matinaux maintenant obligatoires. Plus vraiment habitué hein… :) Quant à moi, rien du tout… Aucune réponse positive sauf une clinique qui m’a proposé d’intégrer leur service de HAD mais à Saint-Martin ! Je ne désespère pas et je vais bientôt les relancer… Et Yoda pète le feu et s’éclate à monter sur les bateaux des voisins. Elle s’est même trouvé un peu de compagnie. En effet, un chat un peu panda sur les bords vient souvent la rejoindre tous les soirs. Ca s’observe de loin ou ça se fight un peu…
Falaises du nord-atlantique de Grande-Terre…
Sinon, je peux vous dire que ça fait drôlement bizarre de se retrouver à l’arrêt alors que les autres, ceux qu’on suit et les copains bateaux continuent leurs routes ou sont déjà sur la transat’ retour. On a un peu l’impression de se mettre au garage et d’être isolés finalement. Parce qu’on a stoppé le mouvement… Et oui, nous sommes dans une espèce de pause ou de stand-by dans le voyage !
Lundi, nous avons pris la direction de la zone technique pour sortir Renaissance de l’eau. Pour les intéressés, le prix de la manutention est deux fois moins cher qu’en Martinique. De plus, le sol est goudronné donc on ne pataugera pas pendant plusieurs jours dans notre bouillie d’algues…
Ça y est, le bateau est bien calé, les réjouissances peuvent commencer !
A première vue, il n’est pas si sale qu’on se l’imaginait… Un peu mais c’est pas non plus la cata. On s’était imaginé la chose bien plus pire en fait. Faut croire que l’antifouling pas cher de chez Compass appliqué l’année dernière a fait son boulot. A une cinquantaine d’euros le gros pot, on estime qu’il s’en tire pas trop mal ! D’ailleurs est-ce que de l’International (ou autres) aurait fait mieux ? La question reste entière… Il aurait fallu faire moitié moitié pour comparer. Bon du coup, on se dit qu’on aurait du embarquer quelques pots du pas cher avant de quitter la métropole parce qu’ici… L’antifouling n’est vraiment pas donné et on ne trouve que des grandes marques. On se rabat donc sur du Micron Extra érodable en promo…
Je suis au karcher, puis à la peinture pendant que JR discute avec les voisins, change le filtre d’arrivée d’eau de mer du moteur, discute, s’occupe de l’hélice et discute ! ;) C’est moi où je suis la seule à bosser roooh !? Capitaine ?? Tiens, d’ailleurs lors de l’installation du nouveau filtre, la jonction entre la vanne et celui-ci lui est restée dans les mains… Cassée net donc remplacée par du neuf également.
En tout, nous passerons trois jours sur la zone, à dégouliner de sueur la journée et à se faire bouffer par les moustiques le soir et la fraîcheur venus. On notera aussi que passer l’antifouling lorsqu’il fait très (trop) chaud est bien plus difficile… Son solvant devant s’évaporer, peu à peu sa consistance passe de « liquide » à « pâteuse » ! Et alors là, t’en ch*es grave pour l’étaler au rouleau…
Yoda a également eu chaud. On a du l’asperger d’eau plusieurs fois pour la rafraichir un peu. Elle a découvert les voitures et ça, bah ça fait trop peur ! Elle filait se cacher à chaque bruit de moteur… :)
Avant… L’hélice a quand même bien chargé
Et voilà un voilier tout propre ! Ou presque… Pour faire bien, faudrait qu’on nettoie aussi la coque mais on n’a pas d’échelle ou d’échafaudage.
Et puis bon, j’avoue : c’est surtout qu’on a trop la flemme… :)
… Et après ! Maintenant à l’eau !
C’est les ponts du joli mois de mai…
Bon ok pas forcément très joli pour tout le monde hein ? Par ici, il fait grand beau temps et nous sommes actuellement au mouillage du Gosier jusque derrière l’îlet et sa barrière de corail. Pas grand monde, c’est pénard. On profite de quelques jours de battement pour se baigner, pour glander et pour faire notre (mon) deuil de la tranquillité du mouillage avant qu’on se retrouve parqués au port entre deux bateaux habités…
Pour revenir sur ces derniers jours, nous avons donc loué une voiture pour distribuer nos CV. Mission accomplie même si ça été assez folklo ! Pour moi, pas de problème dans le sens où tous les hôpitaux et les établissement de soins sont généralement bien indiqués. Tous les panneaux menant à Rome (sauf ceux de l’hôpital du Lamentin en Martinique hum…), ils ont tous reçus mon CV ainsi qu’une lettre de motivation en bonne et due forme…
Mais pour JR, notre périple s’est vite transformé en une vraie course d’orientation ! En effet, aux Antilles, il y a un gros problème d’adressage et bonjour la galère pour trouver une boîte de charpente sans adresse précise. Souvent, nous ne disposons que du nom de l’entreprise ainsi que son quartier et ce dernier s’étend sur plusieurs dizaines de km avec tous pleins de rues, de chemins et d’impasses… (Chapeau les facteurs au passage !) J’avais pourtant fait des recherches préalables sur la toile afin d’obtenir des précisions quant à la localisation de telle ou telle boîte pour gagner du temps sur place. Que nenni ! Premier introuvable, deuxième idem, troisième pareil malgré les multiples renseignements demandés aux habitants… On tourne et retourne. De plus, nous avons une voiture de loc’ malheureusement très in aux vitres bien teintées. Et sous la pluie et le ciel tout gris, c’est vraimentla misère pour voir quoi que ce soit… Mais il fait nuit où quoi !?
Conclusion, on a réussi à déposer qu’un seul de ses CV. Pourtant, à peine une heure après, ils le rappelaient déjà. Rendez-vous pris direct dans la demi-heure et hop, JR tombe par hasard sur un ancien collègue de Bretagne de chépahou et hop, et bien embauché car effectivement ils cherchent en ce moment ! C’est dans la poche…
Le monde est décidément tout petit petit… :)
Voilà, un poids en moins. Il commence d’ici quelques semaines. Va falloir s’occuper des détails pratiques maintenant, genre trouver une voiture, se mettre en règle par rapport aux douanes, caréner, terminer le gréement…
Nous quittons aujourd’hui notre mouillage pépère pour revenir vers Pointe-à-Pitre. Sans regrets car nous sommes dimanche, jour de prise en main des bateaux de loc’ qui viennent ici goûter à leur tout premier mouillage. D’ailleurs, c’est une horde de 15 bateaux qui vient de débarquer et il en arrive encore. La majorité sont des catas avec chacun à bord une dizaine de jeunes aux hormones débordantes… Ca crie, ça tente de mouiller, et bon finalement, ça se mouille dessus… Le pauv’ bonhomme de la boite de loc’ qui leur apprend la manœuvre est complètement dépassé ! En plus, les premiers arrivés sont maintenant tous en rad’ de moteur dans leurs annexes mdrr… On apprendra plus tard que c’est en fait une classe de fac’ en vacances… Ah et l’un des seuls monocoques du groupe a bien failli nous refaire la coque, son étrave est passé à une dizaine de cm de nous ! On a flippé !
Bon on se sauuuuve et viteuh ! Rhoo… Ah tiens, on a mouillé du premier coup à l’îlet à cochons.
Comme quoi… :)
Quelques photos pour finir…
Dans la forêt humide de Basse-Terre
J’vous ai dit qu’il a bien plu ? Voici la Cascade aux écrevisses…
Euh normalement, elle ressemble à ça et on s’y baigne !! ;)
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