Nous avons mal dormi. Le vent a soufflé, la chaine a gratté le fond et le GPS n’a pas arrêté de sonner.
Il est 9h30 quand nous levons l’ancre, direction le port de Peniche situé à 46 milles de Cascais. Le ciel est très couvert et de gros nuages noirs passent au dessus de nos têtes…
Ce fut une navigation des plus pourries. Le vent glacial nous envoyait les embruns gelés de la mer… Emmitouflés dans nos vestes de quart, nous avons grelotté toute la journée. Pas de voile aujourd’hui ! Rien que le bruit assourdissant du moteur qui nous poussait à plus de 6 nœuds… Heureusement, la mer était relativement plate et les drapeaux des casiers à repérer occupaient nos heures. Le radar marchait scrutant cent fois mieux les alentours que nos pauvres yeux errant dans le brouillard.
Quelques dauphins sont venus nous voir mais face à notre manque d’enthousiasme, ils ne sont pas restés bien longtemps.
Lorsque Renaissance s’est avancé dans le port de Peniche, nous pensions y trouver notre salut. La brume épaisse qui nous avait accompagné toute la journée s’est enfin dissipée et laissait passer quelques rayons de soleil. Super, nous allons pouvoir enfin nous poser et nous détendre ! Il y a un petit peu de courant au niveau des digues, nous poussons un peu plus le moteur pour ne pas nous faire embarquer. De nombreux bateaux de pêche nous doublent à fond les manettes ! Enfin, le voilier s’avance vers le ponton d’accueil. Un cata et un voilier sont à couple mais il reste de la place. Nous nous approchons et là un des trois guss qui tournaient en rond sur le ponton nous annonce gentiment que non, nous ne pouvons pas nous mettre ici, que la marina est fermée et que si c’est pour passer la nuit, il faut aller là-bas ! Sans grande surprise, nous nous éloignons. En effet, le ponton visiteur tombe littéralement en ruine mais on espérait idéalement pouvoir quand même s’y mettre. Et puis, il y avait bien le bonhomme de Vilamoura qui nous avait annoncé que le port de Peniche était « détruit »… M’enfin ! Renaissance se dirige maintenant vers le « là-bas » indiqué. C’est en fait un gros et haut quai en béton pour les bateaux de pêche avec des échelles défoncées. Nous sommes à marrée basse et nous renonçons à jouer les acrobates pour amarrer le bateau sur ce quai. Et puis, pas d’eau, pas d’électricité ; et si c’est pour être projeté sur le ponton en dur à chaque fois que des pêcheurs partent ou reviennent, non merci… Nous ressortons du port et nous envisageons donc les possibilités qu’il nous reste pour ce soir.
Nazaré, port de pêche (comme Peniche ?) est encore à plus de 20 milles.
Le bouquin nous dit que nous pouvons mouillé devant la plage à l’entrée du port mais aucun autre voilier n’a pris cette initiative.
Les îles sont toutes proches ! Décision prise, nous partons pour l’Ilha da Berlenga 6 milles plus loin en espérant que ce soit toujours possible de jeter l’ancre là-bas.
Dans la brume, nous mouillerons par 12 mètres de profondeur devant le très joli Forte de Sao Joao Batista construit par des moines pour se protéger des pirates. La pierre est très rouge, même les plages le sont, et le décor est superbe. Cette île et ses voisines sont très sauvages et forment une réserve naturelle notamment pour les oiseaux du coin. Nous dormirons tranquillement bien abrité du vent de nord-ouest qui souffle, pas très loin d’un autre voilier…
Nous quittons Sesimbra sur les coups de 10h30. Autant toute la baie était très laide car trop construite, autant les falaises qui mènent au Cabo Espichel ont du cachet !
Nous observons le paysage englué dans la brume matinale en continuant notre exercice de slalom entre les drapeaux des pêcheurs. Il y en a vraiment beaucoup, la moitié d’entre eux sont sans fanions donc à peine visibles. C’est une raison de plus qui nous conforte dans l’idée de laisser tomber les navigations de nuit. Que le Portugal vive en partie de la pêche, ok pas de soucy. Par contre, pour naviguer ; c’est un peu casse-pieds. Vous en trouvez partout et en particulier dans les zones clés : entrées de port, chenaux, tout autour des caps… Parfois, on aperçoit juste une bouteille vide en plastoc qui flotte et lorsqu’on s’approche, on peut voir le cordage qui part sous l’eau et n’attend qu’une hélice naïve lui passe dessus…
Aujourd’hui, nous visons une ville banlieue de Lisbonne : Cascais qui se trouve à 26 milles de Sesimbra et qui nous permettra de mouiller sans soucis.
Nous n’avons pas eu un souffle de vent durant tout le trajet, il faisait froid et nous n’avons vu aucuns dauphins. Et oui, nous sommes à présent en Atlantique donc finies les navigations à la cool en maillots de bain et en shorts ! Au placard les vêtements légers ! Nous avons perdu une bonne dizaine de degrés en deux, trois jours, depuis le Cap San Vincente en fait. Nous naviguons maintenant avec pantalon le plus épais possible, sous-pull, double sweets, écharpe, vestes de quart et duvet en plus pour moi ! On se pèle même avec le soleil brillant haut et fort dans le ciel alors que dire de cette journée humide sans soleil… Heureusement, nous avons des moments de répit lorsque nous arrivons aux mouillages. Souvent à l’abri du vent, on se réchauffe un peu… Je crois que la chaleur méditerranéenne me manque déjà mdrr et en plus, cela ne va faire que s’empirer car on grimpouille vers le nord… Ah ! Y’a intérêt à avoir du soleil à Hendaye hein ! :)
Bon et Cascais alors c’est comment ?
Hum c’est bof vue de loin bien sûr. Si ! C’est sympa pour observer la dualité des bâtiments qui bordent la baie : les gros blocs tous neufs côtoient les vieilles baraques anciennes et stylées. Sinon, c’est un coin intéressant pour mouiller gratos sur un fond soit-disant malsain (selon le guide)… C’est pas grand-chose et c’est tout ; nous n’irons pas visiter.
Renaissance en Espagne dimanche ? Vivement…
C’est légèrement désespérés à l’idée de ne faire encore que du moteur que nous avons pris la mer ce matin. Mais encore une fois, Eole s’est montré clément à notre égard et nous a permis de faire pratiquement toute la route rien qu’à la voile.
Nous avons eu du vent de nord-ouest qui a viré ouest en se renforçant au fur et à mesure qu’on avançait. Partis pour tirer au moins un bord, nous n’en avons finalement pas eu besoin !
Renaissance est arrivé sous génois enroulé et nous avons fait en tout 36 milles pour tomber sur THE mouillage du Portugal ! C’est une magnifique baie boisée bordée de hautes falaises avec plusieurs plages que nous avons découvert à quelques milles à l’ouest de Setùbal.
L’entrée est difficile mais en vaut carrément la peine. En effet, pour y arriver, vous devez tout d’abord slalomer entre les nombreux drapeaux ou bidons flottants signalant les filets des pêcheurs de la zone, puis ensuite traverser un chenal avec deux énormes cargos en marche et enfin, vous frayer un chemin entre plusieurs bancs de sable asséchants. De plus, vous pouvez rajouter à ça les conditions suivantes : un vent de 15-20 nœuds, un bon courant traversier et un capitaine qui ne contrôle plus ses nerfs et qui répète inlassablement entre deux injures « ça va pas le faire, ça va pas le faire, ça va pas le faire… » Maintenant, vous êtes pratiquement sur la plage, vous avez la petite île Anixa sur votre gauche et à peu près 4 mètres d’eau sous les pieds ; ça y est, vous êtes arrivé ! Ce mouillage porte le nom de Portinho de Arrabida et est tout simplement grandiose, certainement un des plus joli qu’on n’ait jamais vu dans notre courte carrière de marins d’eau douce.
On se boit un petit coup et on commence à se grignoter quelques trucs. Bref juste on respire et on admire…
Puis vient 18h30 : heure du drame !
Une vedette de la police maritime portugaise déboule à toute allure et arrive à notre niveau en baragouinant dans leur langue pour nous incompréhensible. Bom dia ! Je tente ensuite de savoir s’il parle un peu l’espagnol ou autres, ce serait ainsi plus facile ainsi. Le premier des deux me répondra sur un ton hautain que nous sommes au Portugal et que donc il parle portugais ! Bon ok, pas d’ouverture possible. Bref, le deuxième dira en anglais à Jean-Rémy de remonter l’ancre et de partir illico sans plus d’explication… Ils délogeront également deux autres voiliers mouillés plus loin.
Et nous voilà donc repartis en stress pour les bancs de sable, le chenal, les drapeaux, casiers, filets… Bref, vous nous connaissez ; on râle. La prochaine zone de mouillage dans la baie de Sesimbra est à plus de 6 milles et le soleil commence à descendre sur l’eau. Cap plein ouest ! Malgré nos lunettes de soleil et toute notre concentration, on n’apercevra qu’au tout dernier moment les drapeaux, casiers, filets qui parsèment tout le coin. C’est les yeux complètement cramés que nous arrivons enfin à hauteur de Sesimbra et de sa côte toute bétonnée.
La bétonnite aigüe…
Nous jetons l’ancre devant la plage à l’est de l’entrée du port à côté d’un autre voilier. Le bouquin nous prévient que nous n’avons pas le droit de mouiller dans une zone balisée par deux séries de trois feux, des câbles sous-marins passent dans leurs limites. Nous aurons beau cherché les six feux toute la soirée, nous n’en verrons que trois un peu plus à l’est de nous.
Arf, cette journée aurait pu être parfaite si n’avions pas été obligés de partir en speed et à l’arrach’ du premier mouillage.
Certes, peut-être étions-nous dans une zone privée ou protégée mais il leur manquait tout simplement un brin de gentillesse ou juste de la politesse. Bon relativisons, ça aurait pu être pire également, genre de nuit, ou genre à marée basse…
Le passage du Cap San Vincente s’est très bien passé. En effet, il s’est fait au moteur et sans houle. Renaissance a alors croisé pas mal de voiliers dont la plupart prenait la même direction que nous. Nous avions ainsi l’impression d’être moins dans le mauvais sens.
Remonter le Portugal est, selon tout le monde et selon notre guide de nav’, bien galère puisque les vents dominants dans cette région sont les « alizés portugais » soufflant de nord, également appelés « nortada ». Ils peuvent atteindre régulièrement Force 7 l’après-midi, conjugués à un effet brise de mer ! Deux tactiques nous sont alors proposées. La première consisterait à tirer un bord jusqu’aux Açores et la seconde serait de naviguer par petites étapes quotidiennes en naviguant de l’aube jusqu’au début l’après-midi.
Bon, vu que nous sommes un peu pressés, on choisira d’oublier la première et d’approfondir la seconde, les Açores étant un peu trop loin de nous… Exit ainsi les nuits en mer, tant mieux, nous sommes un peu novices en navigation (enfin surtout ma pomme) !
Le Cap San Vincente, oui toujours ce gros bout de caillasse, marque une étape significative dans notre tour de c’t’été de la péninsule ibérique. En effet, Renaissance ne file plus vers le sud ! Ça y est, le cap a maintenant changé ! En voguant vers le nord, nous entamons donc la route du retour… On croise les doigts pour que notre bonne étoile choisisse également d’aller vers là-haut :)
Le reste de la navigation du jour s’est bien passée puisque nous avons eu 0 houle. Par contre, c’est uniquement grâce au moteur que Renaissance a avalé les 55 milles que nous avons parcourus et qui nous ont conduit à Sines. Je crois que le temps ne s’est jamais écoulé aussi lentement. Petit réconfort, nous n’étions pas seuls à être en mer. Nos potes à ailerons sont venus plusieurs fois nous voir et nous avons aussi croisé un gros devant à tribord. Nous avons pu observer cette énorme bestiole marine avec un petit aileron au dessus par deux fois au niveau de la surface de l’eau et puis plus rien… J’aurai bien aimé savoir qu’est-ce que c’était. Il devient évident que nous n’avons pas pris assez de lecture et il nous manque aussi deux ou trois livres sur les animaux du coin. Et oui, nous croisons également pleins de piafs sans pouvoir les reconnaître, idem pour les poiscailles… (Et manger un truc inconnu ptète à moitié non comestible, bof quoi ! Moué, c’est encore une excuse pour ne pas pêcher tiens ! Mais non, euh c’est juste qu’on va tout le temps trop vite pour la pêche à la traine hum… Voué c’est ça.)
Bref, nous voilà à côté du tout petit port de plaisance de Sines à l’intérieur d’un grand port de commerce. Cargos, zones industrielles et cheminées donnent une très mauvaise première image de l’endroit mais elle s’estompe vite quand on arrive au niveau de la marina. Nous mouillons devant la plage Vasco de Gama à l’ouest des pontons, à côté de trois autres voiliers sur ancres. A peine le voilier posé, v’là le raffut ! C’est toute la flotte des pêcheurs qui déboule sirènes hurlantes et grand pavois au vent. Les dizaines de bateaux petits et gros sont noirs de monde, font le tour de la zone de mouillage et regagnent le port de pêche ! C’est la fiesta, souris, on nous prend en photo… Ah oui ! Nous sommes bien le 15 août ? Les autorités passeront à côté de nous sans nous dire quoi que ce soit bien que normalement le mouillage ici soit payant, 35% du prix de la marina quand même…
Sines est un coin plutôt sympatoche. Petit, joli et bien abrité ; nous aimons !
Tiens sans le vouloir, nous sommes sur le chemin de « l’Histoire de la Navigation », après Sagres et sa grande école qui centralisait toutes les connaissances maritimes, nous v’là sur le lieu de naissance du navigateur qui a découvert la route des Indes… Une bonne idée de lire ce bouquin en ce moment même ! :)
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