Ce matin, grand soleil youhou ! Cela signifierait-t-il que nous allons enfin faire une navigation sympa ?
Et bien… non, loupé ! Dès que le port fut derrière nous (dur dur de sortir du ponton visiteur), la brume nous a encerclé. Ciel gris, mer fade, pas de vent, rien à voir, bref la routine en ce moment. Nous sommes tous les deux dégoutés par ce temps et nous avons de nouveau froid.
Nous ferons 33 milles dans la déprime pour arriver à la ria de Aveiro. Son approche s’est faite dans des conditions difficiles : le vent s’est amplifié, la brume s’est épaissie, on s’est bouffé pas mal d’embruns et il y avait du courant. Le guide Imray n’est pas très rassurant et qualifie la ria de « potentiellement dangereuse » avec chenaux et lagunes balayés par le vent, port de commerce, entrée qui se déplace sans cesse… bref que du bonheur ! Finalement, nous n’avons pas eu de gros soucis pour y arriver avec beaucoup d’attention et avec, le plus souvent, une profondeur d’eau d’au moins dix mètres sous les pieds.
Nous avons balancé l’ancre dans la première zone de mouillage que nous avons rencontrée par cinq mètres de profondeur. La petite baie de Sao Jacinto située au nord-est de l’estuaire sera donc notre refuge pour la nuit. Deux grands voiliers sont également sur ancre. De nombreux corps-morts occupent la partie nord de la zone et sont occupées par des embarcations locales.
Devant nous, le paysage n’a rien de génial. Renaissance peut ainsi observer une zone militaire, un quai pour ferry, une digue et derrière des cargos. Nous émettons l’hypothèse qu’en remontant la ria, le paysage doit peut-être offrir mieux avec des alentours préservés. Ici tout est gris et brumeux.
Petit divertissement du soir ! Une grosse régate a eu lieu dans la ria et nous avons pu voir une bonne quarantaine de petits voiliers regagnés leur bouées juste à côté de nous. Lorsque les derniers retardataires sont enfin arrivés, il faisait presque nuit et tout blanc ! On a alors pu voir les malheureux perchés sur leur barque crier et siffler désespérément pour qu’une annexe pas vraiment pressée vienne les ramener à terre les uns après les autres… :)
Nous avons mal dormi. Le vent a soufflé, la chaine a gratté le fond et le GPS n’a pas arrêté de sonner.
Il est 9h30 quand nous levons l’ancre, direction le port de Peniche situé à 46 milles de Cascais. Le ciel est très couvert et de gros nuages noirs passent au dessus de nos têtes…
Ce fut une navigation des plus pourries. Le vent glacial nous envoyait les embruns gelés de la mer… Emmitouflés dans nos vestes de quart, nous avons grelotté toute la journée. Pas de voile aujourd’hui ! Rien que le bruit assourdissant du moteur qui nous poussait à plus de 6 nœuds… Heureusement, la mer était relativement plate et les drapeaux des casiers à repérer occupaient nos heures. Le radar marchait scrutant cent fois mieux les alentours que nos pauvres yeux errant dans le brouillard.
Quelques dauphins sont venus nous voir mais face à notre manque d’enthousiasme, ils ne sont pas restés bien longtemps.
Lorsque Renaissance s’est avancé dans le port de Peniche, nous pensions y trouver notre salut. La brume épaisse qui nous avait accompagné toute la journée s’est enfin dissipée et laissait passer quelques rayons de soleil. Super, nous allons pouvoir enfin nous poser et nous détendre ! Il y a un petit peu de courant au niveau des digues, nous poussons un peu plus le moteur pour ne pas nous faire embarquer. De nombreux bateaux de pêche nous doublent à fond les manettes ! Enfin, le voilier s’avance vers le ponton d’accueil. Un cata et un voilier sont à couple mais il reste de la place. Nous nous approchons et là un des trois guss qui tournaient en rond sur le ponton nous annonce gentiment que non, nous ne pouvons pas nous mettre ici, que la marina est fermée et que si c’est pour passer la nuit, il faut aller là-bas ! Sans grande surprise, nous nous éloignons. En effet, le ponton visiteur tombe littéralement en ruine mais on espérait idéalement pouvoir quand même s’y mettre. Et puis, il y avait bien le bonhomme de Vilamoura qui nous avait annoncé que le port de Peniche était « détruit »… M’enfin ! Renaissance se dirige maintenant vers le « là-bas » indiqué. C’est en fait un gros et haut quai en béton pour les bateaux de pêche avec des échelles défoncées. Nous sommes à marrée basse et nous renonçons à jouer les acrobates pour amarrer le bateau sur ce quai. Et puis, pas d’eau, pas d’électricité ; et si c’est pour être projeté sur le ponton en dur à chaque fois que des pêcheurs partent ou reviennent, non merci… Nous ressortons du port et nous envisageons donc les possibilités qu’il nous reste pour ce soir.
Nazaré, port de pêche (comme Peniche ?) est encore à plus de 20 milles.
Le bouquin nous dit que nous pouvons mouillé devant la plage à l’entrée du port mais aucun autre voilier n’a pris cette initiative.
Les îles sont toutes proches ! Décision prise, nous partons pour l’Ilha da Berlenga 6 milles plus loin en espérant que ce soit toujours possible de jeter l’ancre là-bas.
Dans la brume, nous mouillerons par 12 mètres de profondeur devant le très joli Forte de Sao Joao Batista construit par des moines pour se protéger des pirates. La pierre est très rouge, même les plages le sont, et le décor est superbe. Cette île et ses voisines sont très sauvages et forment une réserve naturelle notamment pour les oiseaux du coin. Nous dormirons tranquillement bien abrité du vent de nord-ouest qui souffle, pas très loin d’un autre voilier…
Nous quittons Sesimbra sur les coups de 10h30. Autant toute la baie était très laide car trop construite, autant les falaises qui mènent au Cabo Espichel ont du cachet !
Nous observons le paysage englué dans la brume matinale en continuant notre exercice de slalom entre les drapeaux des pêcheurs. Il y en a vraiment beaucoup, la moitié d’entre eux sont sans fanions donc à peine visibles. C’est une raison de plus qui nous conforte dans l’idée de laisser tomber les navigations de nuit. Que le Portugal vive en partie de la pêche, ok pas de soucy. Par contre, pour naviguer ; c’est un peu casse-pieds. Vous en trouvez partout et en particulier dans les zones clés : entrées de port, chenaux, tout autour des caps… Parfois, on aperçoit juste une bouteille vide en plastoc qui flotte et lorsqu’on s’approche, on peut voir le cordage qui part sous l’eau et n’attend qu’une hélice naïve lui passe dessus…
Aujourd’hui, nous visons une ville banlieue de Lisbonne : Cascais qui se trouve à 26 milles de Sesimbra et qui nous permettra de mouiller sans soucis.
Nous n’avons pas eu un souffle de vent durant tout le trajet, il faisait froid et nous n’avons vu aucuns dauphins. Et oui, nous sommes à présent en Atlantique donc finies les navigations à la cool en maillots de bain et en shorts ! Au placard les vêtements légers ! Nous avons perdu une bonne dizaine de degrés en deux, trois jours, depuis le Cap San Vincente en fait. Nous naviguons maintenant avec pantalon le plus épais possible, sous-pull, double sweets, écharpe, vestes de quart et duvet en plus pour moi ! On se pèle même avec le soleil brillant haut et fort dans le ciel alors que dire de cette journée humide sans soleil… Heureusement, nous avons des moments de répit lorsque nous arrivons aux mouillages. Souvent à l’abri du vent, on se réchauffe un peu… Je crois que la chaleur méditerranéenne me manque déjà mdrr et en plus, cela ne va faire que s’empirer car on grimpouille vers le nord… Ah ! Y’a intérêt à avoir du soleil à Hendaye hein ! :)
Bon et Cascais alors c’est comment ?
Hum c’est bof vue de loin bien sûr. Si ! C’est sympa pour observer la dualité des bâtiments qui bordent la baie : les gros blocs tous neufs côtoient les vieilles baraques anciennes et stylées. Sinon, c’est un coin intéressant pour mouiller gratos sur un fond soit-disant malsain (selon le guide)… C’est pas grand-chose et c’est tout ; nous n’irons pas visiter.
Renaissance en Espagne dimanche ? Vivement…
C’est légèrement désespérés à l’idée de ne faire encore que du moteur que nous avons pris la mer ce matin. Mais encore une fois, Eole s’est montré clément à notre égard et nous a permis de faire pratiquement toute la route rien qu’à la voile.
Nous avons eu du vent de nord-ouest qui a viré ouest en se renforçant au fur et à mesure qu’on avançait. Partis pour tirer au moins un bord, nous n’en avons finalement pas eu besoin !
Renaissance est arrivé sous génois enroulé et nous avons fait en tout 36 milles pour tomber sur THE mouillage du Portugal ! C’est une magnifique baie boisée bordée de hautes falaises avec plusieurs plages que nous avons découvert à quelques milles à l’ouest de Setùbal.
L’entrée est difficile mais en vaut carrément la peine. En effet, pour y arriver, vous devez tout d’abord slalomer entre les nombreux drapeaux ou bidons flottants signalant les filets des pêcheurs de la zone, puis ensuite traverser un chenal avec deux énormes cargos en marche et enfin, vous frayer un chemin entre plusieurs bancs de sable asséchants. De plus, vous pouvez rajouter à ça les conditions suivantes : un vent de 15-20 nœuds, un bon courant traversier et un capitaine qui ne contrôle plus ses nerfs et qui répète inlassablement entre deux injures « ça va pas le faire, ça va pas le faire, ça va pas le faire… » Maintenant, vous êtes pratiquement sur la plage, vous avez la petite île Anixa sur votre gauche et à peu près 4 mètres d’eau sous les pieds ; ça y est, vous êtes arrivé ! Ce mouillage porte le nom de Portinho de Arrabida et est tout simplement grandiose, certainement un des plus joli qu’on n’ait jamais vu dans notre courte carrière de marins d’eau douce.
On se boit un petit coup et on commence à se grignoter quelques trucs. Bref juste on respire et on admire…
Puis vient 18h30 : heure du drame !
Une vedette de la police maritime portugaise déboule à toute allure et arrive à notre niveau en baragouinant dans leur langue pour nous incompréhensible. Bom dia ! Je tente ensuite de savoir s’il parle un peu l’espagnol ou autres, ce serait ainsi plus facile ainsi. Le premier des deux me répondra sur un ton hautain que nous sommes au Portugal et que donc il parle portugais ! Bon ok, pas d’ouverture possible. Bref, le deuxième dira en anglais à Jean-Rémy de remonter l’ancre et de partir illico sans plus d’explication… Ils délogeront également deux autres voiliers mouillés plus loin.
Et nous voilà donc repartis en stress pour les bancs de sable, le chenal, les drapeaux, casiers, filets… Bref, vous nous connaissez ; on râle. La prochaine zone de mouillage dans la baie de Sesimbra est à plus de 6 milles et le soleil commence à descendre sur l’eau. Cap plein ouest ! Malgré nos lunettes de soleil et toute notre concentration, on n’apercevra qu’au tout dernier moment les drapeaux, casiers, filets qui parsèment tout le coin. C’est les yeux complètement cramés que nous arrivons enfin à hauteur de Sesimbra et de sa côte toute bétonnée.
La bétonnite aigüe…
Nous jetons l’ancre devant la plage à l’est de l’entrée du port à côté d’un autre voilier. Le bouquin nous prévient que nous n’avons pas le droit de mouiller dans une zone balisée par deux séries de trois feux, des câbles sous-marins passent dans leurs limites. Nous aurons beau cherché les six feux toute la soirée, nous n’en verrons que trois un peu plus à l’est de nous.
Arf, cette journée aurait pu être parfaite si n’avions pas été obligés de partir en speed et à l’arrach’ du premier mouillage.
Certes, peut-être étions-nous dans une zone privée ou protégée mais il leur manquait tout simplement un brin de gentillesse ou juste de la politesse. Bon relativisons, ça aurait pu être pire également, genre de nuit, ou genre à marée basse…
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