On le sait ; y’a des jours, vaudrait mieux rester couchés…
Nous quittons de bonne heure et pas de très bonne humeur le mouillage de Caleta Francès devenu très inconfortable.
Aujourd’hui, nous partons pour une longue navigation de 120 milles puisque nous envisageons de contourner directement la pointe ouest de l’île et de rejoindre la marina de Los Morros. Nous partons après un avis météo qui devrait nous garantir des conditions plutôt calmes tout le long de la traversée. Par contre demain soir, arrive une houle de 2m de nord-ouest sur la côte nord de Cuba. Normalement, pas bien grave puisqu’à côté de Los Morros, il y a le Cabo de la Lena, mangrove trou à cyclone dans laquelle nous pourrons nous cacher si besoin… A vrai dire, nous avons beaucoup hésité à patienter ou non le temps que ce petit coup de nord passe. Mais bon, aller ça devrait le faire et si vraiment, ça ne va pas et bien, on fera marche arrière car le mouillage de Maria La Gorda 40 milles avant ne sera pas praticable car il annonce du sud-ouest à son niveau…
La journée se déroule pas trop mal malgré toujours une houle cette fois-ci de sud qui nous embête. Nous ferons près de 45 milles sur la route. En soirée, nous reprenons un grib pour être certains de passer le cap dans de bonnes conditions. L’endroit n’est pas super bien réputé et notre guide Imray nous incite à la prudence. Le Cabo San Antonio fait face à la pointe du Yucatan et entre ces deux bouts de terre, s’écoule le Gulf Stream, un puissant courant (de 2 nœuds jusqu’à 7 !) qui porte au nord en longeant les Etats-Unis. Courant au large, contre-courant côtier annoncé, coin un peu décousu, une mer qui gonfle rapidement sous un vent contraire… Le passage du cap doit donc se faire dans le calme.
Aïe, le fichier grib du soir nous annonce que la houle de nord-ouest arrivera finalement beaucoup plus tôt, en fait en plein quant on y avancera notre quille ! Pas vraiment de vent annoncé, juste ça… La question du coup, est de savoir si voui ou non, ce sont toujours des conditions clémentes. Gros doute n°2 !
Merdouille !
Le passage du cap se fera de nuit et j’avoue que ces nouvelles prévisions ne nous enchantent guère. Nous pesons le pour et le contre, et finalement prenons la résolution de ne pas continuer. En ayant eu ce dernier fichier météo avant de partir ce matin, c’est simple nous ne serions pas partis. Le fait que nous soyons déjà en route et que nous ayons déjà parcouru tant de milles (pour rien) doit il peser dans la balance ? Assurément non.
L’idée de nous dérouter fait baisser un peu le stress qui s’était installé à bord. Peut-être que finalement le passage du cap se serait bien passé. Oui mais si ça n’était pas le cas ? Grosse houle poussant sur la terre, probablement rien qu’au moteur, bof… En même temps 2m ce n’est pas énorme énorme, mais c’est tout de même 3 fois plus que ce qu’on a d’habitude sur les fichiers météo !
Alors bonne résolution ? Excès de prudence ? Sagesse ? Trouille sans réel fondement ?
Bon aller on arrête de réfléchir, tachons maintenant de trouver un endroit ou nous poser pour la nuit ou plutôt pour ce qui va en rester… et surtout facile d’accès !
Maria La Gorda impraticable car trop ouvert + fond de corail.
Donc seule escale possible à plusieurs dizaines de milles sur les cayos de San Felipe. Un mouillage au sud derrière deux belles patates de corail affleurantes, fond irrégulier et à proximité de roches, bof surtout par houle de sud. Donc mouillage au nord de ces cayes en passant derrière la barrière de corail. Pour y arriver, option 1) la passe la plus courte, non balisée, soit disant avec 2.2m de profondeur au minimum, option 2) qui nous rajoute 15 milles de route en contournant tout le récif par l’ouest mais qui nous place en eau saine avec un minimum de 5m d’eau…
Bref, nous voilà repartis pour 45 milles en faisant le grand tour et en tablant sur la sécurité car une arrivée en pleine nuit est à prévoir ! Heure d’arrivée estimée : 5h du mat’ arf. Inutile de dire combien ça nous fait chier de faire autant de route et d’en avoir fait un max pour rien, qu’on s’en veut d’être parti, et surtout d’avoir attendu le soir pour reprendre un grib… Conneries ! Nous aurions du attendre patiemment…
L’air est chargé et nous faisons cap au nord droit sur les éclairs qui zèbrent le ciel un peu plus loin. Sympa. La lune tarde et la fraîcheur nocturne nous gagne.
Arrivée donc vers les 4h30 au nord de Cayo San Juan, inhabité donc aussi noir que la nuit. Prudemment, nous nous sommes avancés en vérifiant que la terre était bel et bien au bon endroit sur le radar, OpenCpn étant un peu à la ramasse… Et enfin, avons balancé l’ancre dans 3m d’eau. Marche arrière plein pot ; nous sommes crochés ! Au lit ! Demain est un autre jour…
Route d’aujourd’hui, détour…
Le lendemain, nous émergeons vers midi un peu patraques. Nous sommes mouillés au milieu de pas grand chose, à très bonne distance et au nord d’une caye à mangrove. Il n’y a pas un souffle d’air, il fait une chaleur à crever. D’énormes nuages noirs nous passent au dessus de la tête et nous apercevons quelque chose qui se déplace sur l’eau. Rooh la poisse ! C’est une trombe marine (tornade sur l’eau) qui est à 1 ou 2 milles de nous mais qui heureusement s’éloigne et qui semble aussi s’éteindre… Cool le coin !
Oui, on n’y voit pas grand chose sur ma photo, la trombe est loin et en fin de vie.
Dans le ciel, le trait blanc est le haut du « tube »
Sinon, ça ressemble à ça !
Journée glandouille et baignade, JR en profite pour nettoyer l’hélice et la coque de Renaissance au milieu de mini méduses non urticantes. A son retour, je le coince pour une coupe de cheveux largement méritée et prévue depuis… des mois ! Adieu tes vieilles dreads pourries ! :) Plus tard dans l’après-midi, un second voilier viendra nous rejoindre au mouillage. Nous serons donc deux à nous faire brasser la nuit suivante à cause du fort clapot levé par un vent de nord plus fort que prévu…
8h, le soleil se lève tout juste (oui, de plus en plus tard) et nous remontons l’ancre à bord. L’objectif du jour est de rallier Punta Francès à l’ouest de l’île de la Juventud à quelques 50 milles de là.
A Cayo Rosario, nous avions encore le choix. Passer par le nord de l’archipel des Cannareos et l’île de la Juventud ou préférer la route sud. Avec un vent de nord-est et une houle semblable, il nous semblait alors plus judicieux de rester sur la côte sud des îles.
Départ de Cayo Mathias dès le lever du jour !
Malheureusement, il s’avère que les prévisions ne correspondent pas exactement à ce que nous trouvons en mer. Certes le vent est bien de nord-est mais la houle, oui encore celle-là, nous frappe de sud-est ! Arf… De plus, le vent est trop faible pour faire tenir le génois avec un bateau qui ne cesse de rouler. Voilà pas qu’on se retrouve au moteur pratiquement toute la première partie du chemin. Le truc est encore à vomir et à se dégoûter de naviguer.
Heureusement, ça ne dure qu’un temps ! Arrivés à la moitié du chemin et passé le phare de …, nous capons à présent au nord-ouest, ce qui nous permet de nous aligner avec les vagues, de faire quelques petits surfs et surtout nous pouvons renvoyer le génois ! Et quel bonheur d’être à la voile dans ces conditions… Il semblerait même que nous ayons un courant favorable.
Un cargo nous inquiète un temps car il fait même route que nous et semble se rapprocher de plus en plus. Nous surveillons ce gros indésirable de près ! Tiens, Renaissance abrite également un petit clandestin qui fera un bout de chemin avec nous…
Notre petit passager clandestin, un peu de repos…
A la voile et derrière l’île c’est beaucoup mieux !
Plus nous remontons vers le nord de l’île et plus la houle s’ordonne et s’assagit. Nous déboulons maintenant pratiquement à 7 nœuds et nous prenons le vent presque au travers !
A mesure que nous nous rapprochons de notre point d’atterrissage, un doute nous assaille. Le mouillage étant légèrement ouvert au sud-sud-est, est-ce que ça va le faire ? Je croise les doigts et j’espère que nous n’allons pas nous faire brasser toute la nuit. Bon, si jamais ça le fait pas du tout, il nous reste une option : contourner la pointe de l’île et tenter un mouillage juste derrière… Nous ne voulons pas trop nous rapprocher de la marina Siguanea car nous n’avons pas envie de refaire un despacho et puis bon, ça nous rallonge trop la route.
Pratiquement parvenus au mouillage, nous observons deux bateaux de plongée qui sont à l’ancre et qui ne semblent pas trop rouler. C’est bon signe ça ! Tout doucement, nous nous rapprochons et pénétrons dans cette jolie baie. Le fond passe de 3000m à 20m sur une très petite distance et ce tombant est particulièrement intéressant côté faune sous-marine. Vers 5m d’eau, nous posons l’ancre dans un sable merveilleusement turquoise. Un tout petit roulis nous parvient de temps à autre mais pas grave, je crois que nous venons de trouver là un superbe mouillage comme on les aime ! ;)
Hop hop hop, nous sommes sur le qui-vive depuis 7h patientant le temps que le port et ses employés s’éveillent. 10h, les pleins sont faits et enfin la guarda frontera nous remet notre despacho pour la prochaine destination : Cayo Largo… Nous nous grouillons de larguer les amarres de Cienfuegos et mettons cap au sud-ouest pour les prochains 50 milles de mer. Renaissance se pare de toute sa voilure car le vent ne semble pas très établi pour l’instant. Nous filons comme ça un petit moment avant de nous retrouver engluer dans une zone sans vent et complètement brouillonne. La houle a perdu la boule ! Elle est multiple et nous attaque de tous les côtés, sympa. Le bateau se fait terriblement bringuebaler. Peut-être sommes-nous dans une zone où les courants se rencontrent ou s’inversent, je ne sais pas. Ce que je sais pas contre, c’est qu’on doit vite se dégager de là, surtout qu’un peu plus loin devant, la mer moutonne ! Le génois est enroulé, le moteur est démarré mais la grand-voile claque. Un peu l’impression de se prendre des coups dans le bide à chaque claquement… Nous serrons fort les dents le temps de rejoindre la zone de vent et dix minutes plus tard, le génois est renvoyé. Ça y est nous sommes de nouveau à la voile et stable. Enfin euh, plus ou moins stable, en fait autant qu’on puisse l’être aux trois quarts arrières avec une bonne houle et un vent un peu timide !
En milieu d’après-midi, nous nous faisons doubler par un cata australien qui prend contact avec nous par VHF. On a croisé son capitaine ce matin juste avant de quitter le port et savons maintenant que nous faisons même route. Car comme eux, nous visons finalement la toute première île.
Sous bonne escorte
Aïe, nous remarquons que notre grand-voile présente maintenant une blessure de guerre ! C’est au niveau d’un des coulisseaux, assurément une zone de faiblesse, que la voile s’est déchirée sur une dizaine de centimètres. Va falloir recoudre ça lorsque nous aurons un peu de temps. Et ensuite visiter une voilerie aux Bahamas (?) ou aux Bermudes si notre réparation de fortune tient un tant soit peu la route. En attendant, tachons de la préserver au maximum…
Le soleil descend sur l’horizon de plus en plus rapidement au fur et à mesure que nous nous rapprochons de la caye la plus proche. Course contre la montre pour arriver avant l’obscurité surtout que nous savons que 1) la caye n’est pas à la position indiquée sur la carte, et que 2) deux grosses patates de corail dangereuses car affleurantes se situent en plein milieu du mouillage ! Cool, heureusement Renaissance continue à filer à plus de 5 nœuds… Bon bateau que tu es !
18h, nous contournons très largement le récif situé au nord de Guano Del Este avant de poser l’ancre près de nos collègues australiens par 8m de fond de sable et d’herbes. Nous visualisons très bien les patates de corail localisées vers le phare et effectivement, ya carrément moyen de se faire gros bobo avec…
Guano Del Este est une caye faite entièrement de corail, à la végétation pauvrette et surmonté d’un phare puissant en forme de fusée qui date des années 1970. Sur l’île, vivent deux ou trois gardiens qui se relaient pour remonter le mécanisme régulièrement. De l’autre côté, une plage dont nous apercevons l’extrémité et qui permet de débarquer sur l’île. De par son orientation, le mouillage est souvent réputé rouleur mais grâce à la houle principalement d’est que nous avons en ce moment, nous y passerons une très bonne nuit ! :)
Ça a l’air un peu tristounet comme ça… mais en vrai, ça a du charme !
Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ! Aah nous venons de passer 24 heures horribles en terme de navigation. On n’a pas eu du tout ce qui était annoncé. Près serré directement en partant du mouillage ! Obligé de longer au plus près toutes les cayes des Jardins de la Reine et de tirer quelques bords au large. Bon avec 8 nœuds de vent réel, c’était encore potable !
J’ai mis deux lignes à l’eau, Poulpy Prairie et Poulpy Charles (du nom de son créateur, le dernier de la lignée) et c’est une pseudo réussite ! En très peu de temps, je remonte une carangue à raie bleue et un barracuda tous les deux de bonne taille. Malheureusement, nous n’avons aucunes données sur la présence de ciguatera ou non au sud de Cuba. Notre Imray précise que les barracudas de la cote nord sont toxiques tandis que ceux du sud seraient considérés comme sains. Bon sous réserve qu’ils ne soient pas trop gros. Par précaution, nous relâchons nos deux prises et nous préférons d’abord aller à la pêche… aux infos. Je remets mes lignes à l’eau car nous espérons tout de même toucher un thon, une bonite ou une coryphène, que nous savons sains. Mais malheureusement aucuns de ceux la ne se présenteront ! Poulpy Prairie disparaîtra même dans les profondeurs snif. Sûrement une prise trop grosse pour nous…
A la nuit tombée, nous sommes tout près de Cayo Breton et le vent se fait de plus en plus fort et s’oriente en plein dans notre poire ! On se retrouve alors à devoir tirer des bords avec 30 nœuds de vent sous 2 ris GV avec un mini bout de génois devant. Mais c’est quoi ce bordel ! Grosses rafales, courant à contre, la mer qui gonfle, le bateau qui tombe avec fracas dans les creux, une nuit noire, de grosses masses nuageuses au loin, bref on fait ce qu’on peut… J’avoue que je commençais un peu à avoir la frousse moi là… Et puis dans l’obscurité, avec les démons de la nuit, tout est majoré. Les bruits, la mer, le vent qui hurlait, brr… Alors on a espéré très fort que ce ne soit qu’un grain passager mais ça a duré un max et le ciel était finalement trop étoilé pour que ce soit ça. On ne réussissait pas non plus à savoir comment allait le bateau, s’il souffrait encore trop toilé, ou si au contraire il nous manquait un peu de voile pour avancer… On ne remontait pas du tout au vent et on a même tiré un bord attention à… 160° ! Aahaaah la loose ! :) On s’est même dit que si ça continuait comme ça ou si ça empirait, on se devrait se mettre au portant et tant pis pour le chemin à parcourir. (Oui ou à la cape mais on ne l’a jamais fait encore) L’atterrissage de nuit et avec autant de vent sur un des proches cayos entourés de récifs ne nous semblait pas envisageable…
Bon, on n’sait pas trop pourquoi, un peu après les 3h du mat’, poum tout a cessé en moins de dix secondes. On a récupéré nos 10 nœuds de vent d’est-nord-est, et du coup, on s’est retrouvé au près pas trop serré et sur le bon cap pour rejoindre Cienfuegos en direct ! Ouf, tout va mieux comme ça.
Nous avons accueilli le petit matin au moteur car le vent qui nous a causé tant de soucy durant la nuit s’est volatilisé. Doucement, nous nous rapprochons de Cienfuegos. A vrai dire, pas pressés d’y parvenir trop vite, car les formalités d’entrée sont à faire en arrivant. L’idéal serait en fait d’arriver en fin d’après-midi, histoire que les officiels lassés de leur longue journée aient envie de faire ça vite et soient pressés de rentrer chez eux ! :)
A 20 milles de l’arrivée, nous récupérons du vent, mais encore trop ! La mer moutonne et c’est reparti pour un tour. 25 nœuds dans la poire ! Cuba, ça se mérite ?
Enfin, vers les 15h, nous pénétrons dans le chenal menant à la grande grande baie de Cienfuegos. Nous suivons le balisage et les alignements destinés aux plus gros et contournons l’île de … Plus que quelques milles à présent ! Nous sommes lessivés, 24h de navigation plus crevante que les trois derniers jours passés en mer !
Chenal d’entrée de Cienfuegos, le ton est donné !
Petit village (Perche ?) les pieds dans l’eau en bordure de l’entrée
Dans la baie, petite mer intérieure, toujours autant de vent. Nous espérons que cela se calmera une fois sur place. Nous touchons au but. On s’active à préparer pare-battages et amarres ainsi que manette du guindeau ne sachant pas si nous allons d’abord mouiller ou devoir faire une manœuvre de quai.
Finalement Renaissance rejoindra la dizaine de bateaux au mouillage car le vent souffle toujours autant. JR sautera dans l’annexe direction les officiels afin de se présenter et voir la marche à suivre…
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