Aux alentours de midi, le guindeau reprend du service pour récupérer notre ancre et nous quittons ainsi l’Ile à Vache. Juste derrière celle-ci, nous trouvons 15 nœuds de sud-est qui permettent à Renaissance de faire route au près le temps de rejoindre le Cap Haïtien. Un courant plus que favorable nous accompagne puisque nous traçons à plus de 7 nœuds avec voilure légèrement réduite.
Le soir venu, nous commençons la traversée du Windward Passage, canal de 180 milles séparant Haïti de Cuba. Malheureusement, nous chopons rapidement la pétole au lieu des 10 nœuds de vent de travers annoncé et c’est grâce à notre moteur que nous avançons une bonne partie de la nuit.
Deuxième jour et nous voilà luttant à la voile. Renaissance progresse avec peine à 3 nœuds dans un vent léger et une allure portante. Durant les heures les plus chaudes de la journée, le vent monte un peu mais ce n’est pas pour autant que le bateau accélère. Bizarre ! Même crade, Renaissance file d’habitude un peu plus rapidement avec les conditions actuelles. Nous pensons à un courant de face qui nous ralentirait, ce qui est d’autant plus louche que nous devrions l’avoir avec nous ! Nous pensons même traîner quelque chose derrière le bateau mais nous avons beau regarder, il n’y a rien qui pourrait expliquer notre lenteur. Allongé sur le pont à la poupe du voilier, JR croit durant un instant voir une masse coincée devant le safran, peut-être une bouée. Nous décidons alors d’enrouler le génois afin qu’il puisse aller voir sous le bateau, avec un harnais croché sur l’échelle. En fait, fausse alerte, il n’y avait rien du tout ! Contre courant donc… C’aura été là l’occasion d’un bain de mer rafraîchissant en pleine navigation ! :)
En avant Renaissance !
La mer s’aplatit de plus en plus. Autour de nous, de très nombreuses algues font route en sens inverse. La mer des Sargasses n’est pas loin ! Dur pour la traîne, les hameçons se garnissent de salade…
Yoda nous pète un câble. Elle vient de nous faire un bon quart d’heure entier de « miaou » ininterrompus ! Sur le coup, on a eu un peu peur qu’elle aie bouffé un truc pas bon ou qu’elle se soit fait mal. En plus, elle était toute pommée. Et puis non, comme ça, après un p’tit moment, elle a arrêté de piailler. Mystère ! Bien sur, on n’exclue pas que ce soit sa manière de dire « Fait chier, y’en a marre de naviguer, j’en ai marre de vos conneries ! » arf.
C’est quand qu’on arrive !
Le soir venu, nous longeons Cuba et nous doublons le Cabo Cruz. Nous hésitons un moment à nous y arrêter mais finalement préférons continuer. Nous n’avons pas fait notre entrée dans le pays et il y a un poste de la guarda juste en face du mouillage. Et même si nous pouvons toujours prétexter un problème mécanique, cela ne nous emballe pas tellement de les voir débouler…
La nuit suivante sera douce, sous demie lune. Nous avons la délicieuse impression de flotter dans un univers suspendu où le ciel et la mer se confondent. Notre sillage dévoile le plancton fluorescent chamboulé sur cette mer tranquille. Renaissance gagne quelques milles à la voile, ôh pas bien vite, de 2 à 4 nœuds mais c’est toujours ça de fait…
Tous les matins, les dauphins nous rendent visite peu avant le lever du soleil. Malheureusement, ils semblent toujours pressés et nous quittent assez vite.
Sinon, je crois que nous n’avons jamais vu la mer Caraïbe ainsi, aussi calme et sereine. La moitié de nos mouillages sont plus agités que ça mdr ! Parfois, c’est juste une très longue ondulation qui arrive jusqu’à notre coque mais nous restons à plat… C’est méga appréciable et la vie à bord en est super facilitée.
Lever de soleil sur une Caraïbe endormie
Nous attendons le vent. Quelques petites risées, c’est reparti ?
Et non ! C’est ce qu’on appelle une mer d’huile !
Troisième jour, alors là, c’est la pétole intense ! Le guide nous dit qu’habituellement, sur cette partie de la côte cubaine, le vent moyen est de 6 à 10 nœuds de secteur est. Et effectivement, nous devons avoir à peine 4 nœuds réels plein cul donc 0 apparents ! Nous choisissons de faire un stop dans les Jardins de la Reine, faute d’air mais surtout car grosse chaleur intenable. L’atmosphère est très très lourde, pas un pet d’air. Nous rôtissons à petit feu et le pont est bouillant ! Et puis, nous ne pouvons pas continuer ainsi au moteur ne sachant toujours pas combien il consomme et combien fait exactement notre réservoir principal… On va donc se poser un peu, un jour ou deux, reprendre un grib, afin de repartir avec le vent…
Les cayes apparaissent peu à peu à tribord. Ce sont des centaines d’îlots déserts et inhabités, pas très volumineux, souvent constitués de mangrove et protégés pour la plupart par des bancs de coraux. Nous optons pour un mouillage facile, entre deux cayes, qui ne nous éloigne pas trop de notre route principale.
Les cayos en question…
Nous croisons un autre voilier qui comme nous fait route pas bien vite le long des îles au moteur. A quelques milles de l’arrivée, il troquera sa grand voile aussi inefficace que la notre contre un taud de soleil ! Nous n’osons pas faire de même et tentons de nous protéger en accrochant le doudou de Yoda (un grand paréo) sur la bôme pour avoir un peu d’ombre dans le cockpit…
Alors que j’ai tiré vainement mes deux lignes de traîne durant ces 3 jours passés, c’est naturellement au moment de l’arrivée et au moment de clôturer la session pêche, qu’un poisson se décide enfin à croquer mon leurre Poulpy Prairie ! Malheureusement c’est un décroché et j’ai bien failli partir à la baille lors de la touche… Je comptais aussi beaucoup sur Poulpy Barbie mais celui ci a disparu hier. Sûrement dans l’estomac ou pendouillant à la bouche d’un de ces voraces qui ne veulent pas se laisser attraper…On dit que les eaux de Cuba regorgent de poissons. Je me promets secrètement de faire mieux la prochaine fois et de soigner la confection de mes lignes. Du poisson, on va en bouffer !
Un groupe de dauphins passent au loin survolés par des frégates. Nous apercevons des tortues qui pataugent à la surface. L’eau est si claire qu’on visualise très bien le fond de corail sous le bateau à 15m plus bas ! Ca y est, le mouillage se dessine droit devant, on y est… :)
Le programme est simple : faire 260 milles pour rejoindre Hispaniola en contournant par le sud l’île américaine de Puerto Rico. Les gribs nous annoncent un petit temps : 10 à 15 nœuds de vent et une très petite mer : 1m. Du presque jamais vu ! Donc normalement, une navigation plus que tranquille en prévision…
Nous levons l’ancre vers 10h30 laissant derrière nous Norman Island et ses îles voisines.
Renaissance s’habille de ses voiles et file au sud-est sur une mer réellement toute plate. Le temps est radieux et nous bénéficions d’un vent tout juste suffisant pour marcher au ¾ arrière puis pour tangonner. En fin de journée, nous doublons les Iles Vierges Américaines. Tandis que nous sommes au large de Vieques, une vedette des US Coast Guard s’approche et fait route avec nous un bon moment… Nous sommes en train de louvoyer à cause du vent pas très régulier donc j’imagine que notre comportement les intrigue ! Certainement un peu tard, mais nous nous posons la question de la limite de leurs eaux territoriales. Arf, nous n’en avons aucune idée ! JR croit lire 12 milles sur OpenCPN donc nous prenons la décision de nous écarter plus au sud pour être certain de ne pas être embêté…
Lorsque la nuit tombe, le vent fait de même. Plus un souffle d’air ne nous parvient. Nous sommes contraints d’affaler les voiles car elles ne tiennent plus, et nous devons démarrer le moteur. Toute la nuit sera ainsi, ronronnante, sous une lune noire mais dans un environnement au final étonnement clair. Le halo lumineux des grandes villes se réfléchit dans les nuages et nous pouvons compter les étoiles.
Ces filous d’US Coast Gard reviennent en douce. Les voilà maintenant qui foncent sur nous à toute allure et tous feux éteints. JR aura même le droit aux coups de projecteur dans la gueule ! M*rde, sommes-nous encore trop prêts ? Bon repiquons encore un peu plus au sud…
Le deuxième jour, nous sommes sous Puerto Rico et capons plein ouest. Au petit matin, nous sommes surpris par quelque chose qui retombe dans l’eau avec fracas juste à côté de Renaissance. Un coup d’œil et nous apercevons une vingtaine de dauphins qui viennent jouer à l’étrave. Immense plaisir car cela faisait drôlement longtemps qu’ils ne nous avaient fait l’honneur de leur compagnie !
A part ça, nous sommes pour ainsi dire… pétolifiés ! Le moteur est toujours en marche. A chaque risée, nous tentons de remettre les voiles mais rien. Nous avons 5 nœuds de vent réels au portant, ce n’est pas suffisant du tout.
Une nouvelle vedette apparaît à l’horizon et nous fonce encore dessus. Vite, j’enlève le foulard qui couvre ma tronche du soleil mais JR demeure toujours aussi barbu ! Pas très loin de nous, elle s’arrête enfin, rode un moment et refait demi-tour après avoir lancé quelques mots incompréhensibles sur la VHF. Nous n’y comprenons que dalle mais le message « Tiger 2.2 » n’a pas l’air de nous concerner…
Petit stress de la journée, d’un coup nous remarquons que l’électronique s’est éteint tout seul ! Flip car nous n’avons plus de pilote automatique non plus ! JR bidouille, le pilote revient mais son fusible saute par deux fois. La vraie cause du problème est découverte peu de temps après : le fil de l’antenne GPS était coincé et entaillé par l’évacuation d’eau du moteur. Nous avons donc débranché le GPS et la commande du pilote est revenue. Le sondeur restait muet. C’est en fait la seconde fois qu’il nous fait le coup. Tout juste arrivés aux BVI la semaine dernière, JR avait du passer quelques heures à réparer le sondeur qui buguait et l’éolienne qui sifflait anormalement. Réinitialisation du boîtier directement au pilote et le sondeur remarche ! Heureusement, car nous allons bientôt avoir très besoin de lui. C’est un peu nos yeux en arrivant sur une nouvelle zone de mouillage. Sans lui, c’est la mierda surtout si la carte n’est pas détaillée ! Restera donc à réparer le fil de l’antenne GPS à l’arrivée, pas pressé…
En fin d’après midi, l’océan se lisse de plus en plus et devient mer d’huile. Mais où sont les 10 nœuds annoncés sur les gribs ? En soirée nous atteignons notre waypoint et il est maintenant temps de virer au nord-ouest. Nous sommes à l’entrée du Mona Passage, ce fameux chenal de 80 milles qui sépare la République Dominicaine de Puerto Rico. C’est un coin très malfamé des Antilles, la mer peut s’y lever très vite en cas de coups de vent.
Nous passons dans le plus gros banc de thons que nous n’ayons jamais vu ! Ça saute de partout, c’est impressionnant. A ce moment là, je me mors les doigts d’avoir remonté ma ligne de traîne trop tôt. Ça me titille de la remettre à l’eau mais il fait presque nuit et JR m’en dissuade car nous avons une nouvelle vedette des US Coast Gard au cul ! Encore ! Ils sont vraiment louches, enfin peut être pensent-ils la même chose de nous ! Peut être nous surveillent-ils pour voir si nous ne tentons pas de rejoindre leur terre sacrée à la nuit tombée. On a du mal à comprendre leur comportement et lassée, j’ai bien envie de leur crier à la VHF qu’on en a rien à faire de leur pays pourri et que non Puerto Rico ne nous intéresse pas !
D’un coup, nous récupérons du vent ! Nous nous précipitons pour hisser les voiles et nous voilà partis plein pot à 6.5 nœuds, et sur le bon cap en plus ! L’obscurité majore notre impression de vitesse… Fallait nous voir, nous étions tous contents ! Manque de bol, ça ne dure pas et 20 minutes plus tard, nous sommes à nouveau scotchés dans la pétole ! D’énormes grains nous encerclent maintenant et la nuit à venir s’annonce beaucoup moins calme que la précédente.
Après 24 heures de moteur quasi non stop, enfin nous pouvons le faire taire ! Nous récupérons dans le Mona Passage 15-20 nœuds de nord-est qui nous suivront jusqu’à la fin du voyage. Nous voguons à présent sous génois seul, pas bien vite mais c’est déjà un exploit ! Le chenal est long, la nuit est noire et nous sommes ballottés par une double houle très très courte de nord-est et de sud-est… Cette partie de la navigation devient carrément désagréable, d’autant plus que le vent forcit. Aussi, le passage est très fréquenté, une quinzaine de bateaux croiseront notre chemin. Coup de gueule contre ces gros paquebots tellement éclairés comme des sapins de noël qu’on ne distingue plus leurs feux de navigation ! Au radar, nous visualiserons également les cowboys américains toujours là, cachés à 3 milles devant nous, encore tous feux éteints… Ils traquent sûrement les clandestins principalement cubains et haïtiens qui tentent de rejoindre une vie meilleure…
Enfin le lendemain matin, nous approchons franchement de notre destination. Sur la ligne d’horizon apparaît doucement un bout de terre pas bien haut mais qui semble couvert de végétation. Passé la pointe sud de Saona, ce n’est plus que du bonheur : mer plate et toujours autant de vent !
Isla Saona nous voilà ! :)
En bref, navigation moitié moteur, moitié voile.
Si nous n’avions pas touché de vent dans le Mona Passage, se serait poser la question du manque de carburant car nous n’avions pas refait le plein avant de partir… Pas bien !
Sinon rien pêché… Tout’façon, tous mes hameçons dégoulinent de rouille.
Sommes contents d’avoir passé le Mona avec peu de vent annoncé, seulement 5 nœuds sur les gribs alors qu’on a pris plus du triple !
Bon et alors, c’est à combien de milles les eaux internationales ? Edit : 12 miles !
Avons eu de la chance de ne pas nous être fait « arrêter » par les US cowboys. Certains équipages ont du mettre en panne pour une fouille du bateau + vérification d’identités en pleine mer… Pas cool !
Après 60 milles en ciseau à rouler d’un bord à l’autre (et non, le portant n’est pas forcément synonyme de confort !), nous arrivons en fin de journée dans la rade de Gustavia sur l’île de Saint Barthélémy.
Juste avant notre plus gros grain de tous les temps…
Une éternité sous des trombes d’eau, sans aucune visibilité sur une mer d’acier
Grosse envie de se poser mais à la première impression : aïe aïe aïe ! Il y a beaucoup de monde au mouillage, et ce dernier se révèle être super rouleur. Après avoir tourné en rond un moment, nous trouvons finalement une mini place à la limite du chenal par 10m d’eau ! Faisons comme si nous n’avons rien vu mais les fesses de Renaissance dépassent des bouées… comme la plupart des autres bateaux sur le même alignement. Trop de passages ; en mer et en l’air, ça n’arrête pas. Renaissance tire sur sa chaîne sous les nombreuses rafales et se prend de bons coups de rappel.
Conclusion : on ne se sent pas très bien ici. C’est un peu le choc après Barbuda et Antigua… Autant dire que pour nous, ce mouillage cumule toutes les conditions pour être qualifié de super pourri. (Ah si, un point positif tout de même, l’eau est cristalline ! J’ai vu l’ancre poser, oui à 10m…)
Lendemain 9h, deux gus en annexe s’approchent. Nous pensons qu’ils viennent réclamer les frais de mouillage car ici, l’ancrage est payant. Non non, en fait ils viennent juste nous dire d’aller faire nos formalités même si nous nous apprêtons à lever l’ancre. Mais oui bien sur… Cap à l’ouest !
Bons avouons-le, de toute façon, nous n’avions pas vraiment envie de consacrer du temps à cette île… Aller donc hop, direction Saint Martin ! :)
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