Le programme est simple : faire 260 milles pour rejoindre Hispaniola en contournant par le sud l’île américaine de Puerto Rico. Les gribs nous annoncent un petit temps : 10 à 15 nœuds de vent et une très petite mer : 1m. Du presque jamais vu ! Donc normalement, une navigation plus que tranquille en prévision…
Nous levons l’ancre vers 10h30 laissant derrière nous Norman Island et ses îles voisines.
Renaissance s’habille de ses voiles et file au sud-est sur une mer réellement toute plate. Le temps est radieux et nous bénéficions d’un vent tout juste suffisant pour marcher au ¾ arrière puis pour tangonner. En fin de journée, nous doublons les Iles Vierges Américaines. Tandis que nous sommes au large de Vieques, une vedette des US Coast Guard s’approche et fait route avec nous un bon moment… Nous sommes en train de louvoyer à cause du vent pas très régulier donc j’imagine que notre comportement les intrigue ! Certainement un peu tard, mais nous nous posons la question de la limite de leurs eaux territoriales. Arf, nous n’en avons aucune idée ! JR croit lire 12 milles sur OpenCPN donc nous prenons la décision de nous écarter plus au sud pour être certain de ne pas être embêté…
Lorsque la nuit tombe, le vent fait de même. Plus un souffle d’air ne nous parvient. Nous sommes contraints d’affaler les voiles car elles ne tiennent plus, et nous devons démarrer le moteur. Toute la nuit sera ainsi, ronronnante, sous une lune noire mais dans un environnement au final étonnement clair. Le halo lumineux des grandes villes se réfléchit dans les nuages et nous pouvons compter les étoiles.
Ces filous d’US Coast Gard reviennent en douce. Les voilà maintenant qui foncent sur nous à toute allure et tous feux éteints. JR aura même le droit aux coups de projecteur dans la gueule ! M*rde, sommes-nous encore trop prêts ? Bon repiquons encore un peu plus au sud…
Le deuxième jour, nous sommes sous Puerto Rico et capons plein ouest. Au petit matin, nous sommes surpris par quelque chose qui retombe dans l’eau avec fracas juste à côté de Renaissance. Un coup d’œil et nous apercevons une vingtaine de dauphins qui viennent jouer à l’étrave. Immense plaisir car cela faisait drôlement longtemps qu’ils ne nous avaient fait l’honneur de leur compagnie !
A part ça, nous sommes pour ainsi dire… pétolifiés ! Le moteur est toujours en marche. A chaque risée, nous tentons de remettre les voiles mais rien. Nous avons 5 nœuds de vent réels au portant, ce n’est pas suffisant du tout.
Une nouvelle vedette apparaît à l’horizon et nous fonce encore dessus. Vite, j’enlève le foulard qui couvre ma tronche du soleil mais JR demeure toujours aussi barbu ! Pas très loin de nous, elle s’arrête enfin, rode un moment et refait demi-tour après avoir lancé quelques mots incompréhensibles sur la VHF. Nous n’y comprenons que dalle mais le message « Tiger 2.2 » n’a pas l’air de nous concerner…
Petit stress de la journée, d’un coup nous remarquons que l’électronique s’est éteint tout seul ! Flip car nous n’avons plus de pilote automatique non plus ! JR bidouille, le pilote revient mais son fusible saute par deux fois. La vraie cause du problème est découverte peu de temps après : le fil de l’antenne GPS était coincé et entaillé par l’évacuation d’eau du moteur. Nous avons donc débranché le GPS et la commande du pilote est revenue. Le sondeur restait muet. C’est en fait la seconde fois qu’il nous fait le coup. Tout juste arrivés aux BVI la semaine dernière, JR avait du passer quelques heures à réparer le sondeur qui buguait et l’éolienne qui sifflait anormalement. Réinitialisation du boîtier directement au pilote et le sondeur remarche ! Heureusement, car nous allons bientôt avoir très besoin de lui. C’est un peu nos yeux en arrivant sur une nouvelle zone de mouillage. Sans lui, c’est la mierda surtout si la carte n’est pas détaillée ! Restera donc à réparer le fil de l’antenne GPS à l’arrivée, pas pressé…
En fin d’après midi, l’océan se lisse de plus en plus et devient mer d’huile. Mais où sont les 10 nœuds annoncés sur les gribs ? En soirée nous atteignons notre waypoint et il est maintenant temps de virer au nord-ouest. Nous sommes à l’entrée du Mona Passage, ce fameux chenal de 80 milles qui sépare la République Dominicaine de Puerto Rico. C’est un coin très malfamé des Antilles, la mer peut s’y lever très vite en cas de coups de vent.
Nous passons dans le plus gros banc de thons que nous n’ayons jamais vu ! Ça saute de partout, c’est impressionnant. A ce moment là, je me mors les doigts d’avoir remonté ma ligne de traîne trop tôt. Ça me titille de la remettre à l’eau mais il fait presque nuit et JR m’en dissuade car nous avons une nouvelle vedette des US Coast Gard au cul ! Encore ! Ils sont vraiment louches, enfin peut être pensent-ils la même chose de nous ! Peut être nous surveillent-ils pour voir si nous ne tentons pas de rejoindre leur terre sacrée à la nuit tombée. On a du mal à comprendre leur comportement et lassée, j’ai bien envie de leur crier à la VHF qu’on en a rien à faire de leur pays pourri et que non Puerto Rico ne nous intéresse pas !
D’un coup, nous récupérons du vent ! Nous nous précipitons pour hisser les voiles et nous voilà partis plein pot à 6.5 nœuds, et sur le bon cap en plus ! L’obscurité majore notre impression de vitesse… Fallait nous voir, nous étions tous contents ! Manque de bol, ça ne dure pas et 20 minutes plus tard, nous sommes à nouveau scotchés dans la pétole ! D’énormes grains nous encerclent maintenant et la nuit à venir s’annonce beaucoup moins calme que la précédente.
Après 24 heures de moteur quasi non stop, enfin nous pouvons le faire taire ! Nous récupérons dans le Mona Passage 15-20 nœuds de nord-est qui nous suivront jusqu’à la fin du voyage. Nous voguons à présent sous génois seul, pas bien vite mais c’est déjà un exploit ! Le chenal est long, la nuit est noire et nous sommes ballottés par une double houle très très courte de nord-est et de sud-est… Cette partie de la navigation devient carrément désagréable, d’autant plus que le vent forcit. Aussi, le passage est très fréquenté, une quinzaine de bateaux croiseront notre chemin. Coup de gueule contre ces gros paquebots tellement éclairés comme des sapins de noël qu’on ne distingue plus leurs feux de navigation ! Au radar, nous visualiserons également les cowboys américains toujours là, cachés à 3 milles devant nous, encore tous feux éteints… Ils traquent sûrement les clandestins principalement cubains et haïtiens qui tentent de rejoindre une vie meilleure…
Enfin le lendemain matin, nous approchons franchement de notre destination. Sur la ligne d’horizon apparaît doucement un bout de terre pas bien haut mais qui semble couvert de végétation. Passé la pointe sud de Saona, ce n’est plus que du bonheur : mer plate et toujours autant de vent !
Isla Saona nous voilà ! :)
En bref, navigation moitié moteur, moitié voile.
Si nous n’avions pas touché de vent dans le Mona Passage, se serait poser la question du manque de carburant car nous n’avions pas refait le plein avant de partir… Pas bien !
Sinon rien pêché… Tout’façon, tous mes hameçons dégoulinent de rouille.
Sommes contents d’avoir passé le Mona avec peu de vent annoncé, seulement 5 nœuds sur les gribs alors qu’on a pris plus du triple !
Bon et alors, c’est à combien de milles les eaux internationales ? Edit : 12 miles !
Avons eu de la chance de ne pas nous être fait « arrêter » par les US cowboys. Certains équipages ont du mettre en panne pour une fouille du bateau + vérification d’identités en pleine mer… Pas cool !
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