Un petit bonjour de Cienfuegos où nous sommes maintenant depuis une petite semaine. Après avoir fait les formalités d’entrée dans le pays (finalement faciles), le bateau est à l’ancre devant la marina… Nous sommes une quinzaine de voiliers de passage à profiter de cette escale. Premiers pas à Cuba pour nous, visite de la ville, détente… Pour l’avitaillement, ça va, on s’attendait à pire. Par contre, pas certains que leur système à deux monnaies profite à tout le monde… Le temps est beau, les alizés sont là et nous prévoyons de partir pour les cayes du sud-ouest demain ou après-demain. Au programme : mouillages, farniente, et baignade avec les poissons et les langoustes ! Une vingtaine de jours à profiter de ces ilots déserts avant de rejoindre la Havane… Bon idem pour les prochaines nouvelles, pas avant une petite semaine je pense ! A bientôt ! :)
Cuba est la plus grande île des Antilles avec près de 110 000 km2 de terres et près de 1200 km de côte sur la longueur. Il faut également noter qu’elle possède plus de 1600 îlots pour la plupart encore vierges et inhabités, éden pour la navigation, et qui sont regroupés en quatre archipels principaux. Au carrefour de l’Atlantique, de la Caraïbe et du golfe du Mexique, Cuba occupe une position stratégique, à deux pas des Etats-Unis le grand ennemi, des Bahamas, d’Hispaniola, de la Jamaïque, des Cayman…
Au centre et sur la côte sud de l’île, se trouve la ville de Cienfuegos, surnommée la Perla del Sur, que nous sommes partis découvrir peu de temps après notre arrivée. Le malecon, le prado, le centre historique classé au patrimoine mondial par l’Unesco, le parc José Marti… Cienfuegos est une ville sympathique, aérée et super propre. Malgré la chaleur, nous avons pris plaisir à nous balader dans les différents quartiers. Une petite glace faisant bien l’affaire sur le chemin du retour ! Pas de choix de parfums, mais à Cuba tu ne fais de toute façon pas le difficile et qu’importe ; on s’est régalé ! :)
Le club nautique, très chic !
Travail de fer forgé, très courant sur les devantures des maisons
Nous avons aussi découvert les moyens de transports cubains : bicy taxi, roulotte avec cheval, taxi officiel ou non, scooters souvent électriques, vieilles bagnoles américaines, bus et vieux camions à benne… Beaucoup sont contraints de circuler à pieds, de faire du stop ou faire des queues interminables devant les stations de bus, donc tout ce qui peut rouler est recyclé et mis à contribution.
Moyen de locomotion un peu d’un autre âge
(normalement réservé aux cubains, et oui ya des trucs pour touristes et des trucs pour cubains !)
Après plusieurs jours en mer, nous nous mettons également en quête d’avitaillement. Pas si facile à Cuba ! Déjà, il faut comprendre leur système monétaire. Il y a les pesos convertibles, les CUC indexés sur le dollar US, pour les touristes, les produits manufacturés et l’économie étrangère. Puis les pesos non convertibles ou la moneda nacional pour les cubains et les produits de base. Sans certitude, 1 CUC = 25 pesos et du change peut se faire dans les banques, dans les hôtels et dans les cadecas…
Palacio de Valle, Punta Gorda
Après la révolution, la libreta ou le carnet d’alimentation a été instauré afin que tout cubain quelque soit sa résidence ou son niveau social, puisse avoir accès aux produits de première nécessité comme le riz, la viande, le poisson, le sucre, les produits d’hygiène… Véritable symbole d’égalité entre tous. Malheureusement, maintenant et après la chute du bloc de l’Est qui a grandement contribué au déclin économique de l’île, ce système social alimentaire ne fonctionne plus. A présent, les denrées sont rationnées et insuffisantes, les arrivages très irréguliers, la qualité médiocre. Beaucoup de produits ont été retirés de la libreta ; plus de savon, de dentifrice, de brosses à dent, de détergents, de papier toilette, de lessive… Tout ce qui ne se trouve plus dans les bodegas grâce à la libreta s’achète dorénavant dans les agromercado au prix fort et en CUC. Parallèlement à ça, un énorme marché noir s’est développé où pratiquement tout ou presque peut se trouver discrétos dans la rue.
Dans une rue de Cienfuegos…
Bicy taxi sur le malecon !
Le salaire moyen d’un cubain est d’environ 19 CUC, soit grosso modo 450 pesos. Avec un pouvoir d’achat si faible, beaucoup n’ont donc pas les moyens d’accéder aux produits qui leur font défaut. Les inégalités se creusent ainsi bien vite entre les plus riches qui ont accès aux pesos convertibles et les autres… Deux monnaies pour une société à deux vitesses.
Sans compter d’autres aberrations… Par exemple, les eaux cubaines regorgent de langoustes. Mais celles-ci sont interdites de consommation aux cubains et uniquement destinées à l’export ou aux touristes ! La consommation de bœuf est également illicite… De toute manière, pratiquement tout appartient à l’Etat, les terres, les moyens de production et la main d’œuvre.
Beaucoup se trouvent obligés de cumuler les emplois ou de trouver des petits boulots plus ou moins légaux, en faisant chauffeur taxi clandestin par exemple… Pas d’autre choix, c’est la débrouille, le système D, le recyclage aussi.
Pour cause d’embargo américain, on ne trouve pas tout à Cuba même si le pays développe des partenariats économiques avec d’autres pays, l’Amérique du Sud, l’Europe, la Chine…
Pour nous qui disposons de la monnaie forte, le choix pour l’avitaillement est certes restreint mais avec tout de même de quoi se nourrir. A Cienfuegos, on achète assez facilement, du moins selon les étals, des œufs, du pain, du lait, du poulet, du cochon, ou les deux mélangés… Il faut faire plusieurs magasins pour espérer se constituer quelques provisions car ils ne possèdent pas les mêmes articles. Avec celui de la marina, la station service et l’agro un peu plus loin, nous regarnissons un peu les placards du bateau… Pour les légumes, il y a plusieurs tiendas en centre ville où alors mieux, on a la chance de tomber sur un vendeur ambulant. Une règle d’or à Cuba est d’acheter tout de suite, car demain, il n’y aura peut-être plus rien dans les stocks…
Avec cette dictature de velours et liberticide (tout opposant au régime notamment, censure des médias…), l’inefficacité du système économique et un blocus américain toujours en cours depuis 1962 !, on comprend aisément que la vie ici est loin d’être rose. Mais peu à peu, très lentement, les choses évolueraient-elles ? Par exemple à présent, les cubains sont autorisés à avoir un passeport et ont le droit d’acheter un billet d’avion (2013), de se connecter à Internet grâce à l’ouverture de plusieurs salles de connexion à travers le pays (2013), de posséder un téléphone portable et un ordinateur personnel… Certains diront là que ce n’est que du bluff, les prix restant prohibitifs pour n’importe quel cubain et qu’il faut toujours une autorisation avant de quitter le pays et que cela ne peut se faire qu’en avion, mais tout de même, ça bouge un peu… Et le changement, bah c’est ce qu’on leur souhaite de mieux.
NB : Deux points positifs tout de même : la santé et l’éducation sont les deux grandes réussites du socialisme cubain ; accessibles à tous et complètement gratuites. Il n’y a qu’à voir l’espérance de vie moyenne et le taux d’alphabétisation. Efficaces ! Le niveau sanitaire cubain est parfois même supérieur aux pays plus développés malgré des difficultés réelles, les moyens du bord, le manque de matériel et de médicaments… alors que l’embargo US ne doit normalement pas concerner ces derniers…
Palacio de Gobierno, parque José Marti
Sur le Prado
Façades décrépies mais habillées et colorées…
Je profite donc d’un petit quart d’heure de battement pour remettre un peu d’ordre dans le bateau avant que le défilé commence. JR revient de la marina et nous devons amarrer Renaissance au ponton pour effectuer l’entrée. Ok.
Tout doucement, nous prenons place à quai et là, on nous dit d’attendre le temps que le médecin arrive. Nous patientons une petite demi-heure mais toujours pas de médecin à l’horizon. A la place, le chef de port ainsi qu’un garde frontière nous rejoignent à bord. C’est parti pour les formalités d’entrée ! Remplissage des formulaires habituels, équipage, bateau, raison de la visite, et pourquoi ici, métiers, liste du matériel électronique à bord, GPS, AIS, ordi, radar, téléphones… Signatures x10, et même du papier certifiant que nous avons bien vu le docteur ! 15 minutes plus tard, la première partie des formalités est finie. Direction maintenant l’office pour payer. Prix de l’entrée à Cuba : 105 CUC (dans les 75-80 euros) dont 50 CUC pour les deux visas touristiques et 55 CUC pour la paperasse. Ensuite, nous regagnons notre bord pour la seconde partie de la procédure. Trois personnes en plus du garde frontière montent à bord pour la fouille du bateau. Le premier est accompagné d’un joli toutou, un petit cocker tout noir, chargé de détecter la présence de stupéfiants. Je reste dehors avec une Yoda toute stressée dans les bras le temps qu’il fasse la visite de l’intérieur. Ensuite c’est le tour des trois autres bonhommes de fouiner fouiller. Bien plus sérieux qu’en République Dominicaine, cela dure une bonne demi-heure pendant laquelle ils inspectent les placards, les armoires, les boîtes de rangements mais en omettent beaucoup… Ils nous le font comme dans les films ! Un gentil qui plaisante, qui nous félicite sur nos trois phrases d’espagnol et qui me montre son gosse et sa femme en photo, un méchant qui cherche la petite bête en ouvrant un taille-crayon à moitié rempli de résidus marrons, tu fumes de la drogue toi ? Hein t’es sur que tu n’fumes pas ? Hum t’as jamais essayé ? Et l’autre, le plan-plan qui commence à plonger dans la pharmacie pour me demander à quoi sert cette plaquette de médoc, le pauvre arrêtera au bout de trois…
Ils resteront perplexes puis curieux devant les flacons de liquides nicotinés servant pour nos clopes électroniques. Le gentil essaiera de nous en taxer une, mais c’est un échec pour lui. Ca finira bon enfant par des signatures sur les nombreux formulaires déclarant enfin que le sondeo est negativo. Bon au revoir, merci tout le monde ! Deux heures après, nous pouvons donc quitter le ponton et retournons nous mettre au mouillage… Voilà, nous sommes officiellement autorisés à découvrir Cuba !
Finalement, on est assez content. Voilà une bonne chose de faite et qui n’a pas trop duré ! Bon en fait, je pense que nous n’avons pas vu tout le monde. Pas de docteur, pas de monsieur moustique, pas de contrôle des denrées alimentaires et du frigo, pas de représentant du ministre des transports, ni de celui de l’agriculture, pas de vétérinaire non plus…
Nous avions lu et pouvons également confirmer maintenant que l’entrée à Cuba par Cienfuegos est assez simple et vite expédiée.
Le mouillage devant la marina, comme c’est le cas partout à Cuba, est payant. 0,20 CUC du pied par jour, soit environ 7-8 euros. Le CUC, peso convertible, étant kifkif avec le $US… Une place à quai coûte le double, eau et électricité en plus. Évidemment pas (encore) d’internet… On trouve dans l’enceinte du port un mini supermarché, un bar ainsi qu’une petite baraque proposant des articles de pêche mais qui semble définitivement fermée. La marina est pratique car elle a l’avantage d’être en ville. En une grosse demi-heure de marche, nous sommes ainsi dans le vieux centre de Cienfuegos.
Ça n’a pas l’air trop mal tout ça, je crois qu’on va être bien ici… ;)
Marina de Cienfuegos, le mouillage se fait juste devant
Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ! Aah nous venons de passer 24 heures horribles en terme de navigation. On n’a pas eu du tout ce qui était annoncé. Près serré directement en partant du mouillage ! Obligé de longer au plus près toutes les cayes des Jardins de la Reine et de tirer quelques bords au large. Bon avec 8 nœuds de vent réel, c’était encore potable !
J’ai mis deux lignes à l’eau, Poulpy Prairie et Poulpy Charles (du nom de son créateur, le dernier de la lignée) et c’est une pseudo réussite ! En très peu de temps, je remonte une carangue à raie bleue et un barracuda tous les deux de bonne taille. Malheureusement, nous n’avons aucunes données sur la présence de ciguatera ou non au sud de Cuba. Notre Imray précise que les barracudas de la cote nord sont toxiques tandis que ceux du sud seraient considérés comme sains. Bon sous réserve qu’ils ne soient pas trop gros. Par précaution, nous relâchons nos deux prises et nous préférons d’abord aller à la pêche… aux infos. Je remets mes lignes à l’eau car nous espérons tout de même toucher un thon, une bonite ou une coryphène, que nous savons sains. Mais malheureusement aucuns de ceux la ne se présenteront ! Poulpy Prairie disparaîtra même dans les profondeurs snif. Sûrement une prise trop grosse pour nous…
A la nuit tombée, nous sommes tout près de Cayo Breton et le vent se fait de plus en plus fort et s’oriente en plein dans notre poire ! On se retrouve alors à devoir tirer des bords avec 30 nœuds de vent sous 2 ris GV avec un mini bout de génois devant. Mais c’est quoi ce bordel ! Grosses rafales, courant à contre, la mer qui gonfle, le bateau qui tombe avec fracas dans les creux, une nuit noire, de grosses masses nuageuses au loin, bref on fait ce qu’on peut… J’avoue que je commençais un peu à avoir la frousse moi là… Et puis dans l’obscurité, avec les démons de la nuit, tout est majoré. Les bruits, la mer, le vent qui hurlait, brr… Alors on a espéré très fort que ce ne soit qu’un grain passager mais ça a duré un max et le ciel était finalement trop étoilé pour que ce soit ça. On ne réussissait pas non plus à savoir comment allait le bateau, s’il souffrait encore trop toilé, ou si au contraire il nous manquait un peu de voile pour avancer… On ne remontait pas du tout au vent et on a même tiré un bord attention à… 160° ! Aahaaah la loose ! :) On s’est même dit que si ça continuait comme ça ou si ça empirait, on se devrait se mettre au portant et tant pis pour le chemin à parcourir. (Oui ou à la cape mais on ne l’a jamais fait encore) L’atterrissage de nuit et avec autant de vent sur un des proches cayos entourés de récifs ne nous semblait pas envisageable…
Bon, on n’sait pas trop pourquoi, un peu après les 3h du mat’, poum tout a cessé en moins de dix secondes. On a récupéré nos 10 nœuds de vent d’est-nord-est, et du coup, on s’est retrouvé au près pas trop serré et sur le bon cap pour rejoindre Cienfuegos en direct ! Ouf, tout va mieux comme ça.
Nous avons accueilli le petit matin au moteur car le vent qui nous a causé tant de soucy durant la nuit s’est volatilisé. Doucement, nous nous rapprochons de Cienfuegos. A vrai dire, pas pressés d’y parvenir trop vite, car les formalités d’entrée sont à faire en arrivant. L’idéal serait en fait d’arriver en fin d’après-midi, histoire que les officiels lassés de leur longue journée aient envie de faire ça vite et soient pressés de rentrer chez eux ! :)
A 20 milles de l’arrivée, nous récupérons du vent, mais encore trop ! La mer moutonne et c’est reparti pour un tour. 25 nœuds dans la poire ! Cuba, ça se mérite ?
Enfin, vers les 15h, nous pénétrons dans le chenal menant à la grande grande baie de Cienfuegos. Nous suivons le balisage et les alignements destinés aux plus gros et contournons l’île de … Plus que quelques milles à présent ! Nous sommes lessivés, 24h de navigation plus crevante que les trois derniers jours passés en mer !
Chenal d’entrée de Cienfuegos, le ton est donné !
Petit village (Perche ?) les pieds dans l’eau en bordure de l’entrée
Dans la baie, petite mer intérieure, toujours autant de vent. Nous espérons que cela se calmera une fois sur place. Nous touchons au but. On s’active à préparer pare-battages et amarres ainsi que manette du guindeau ne sachant pas si nous allons d’abord mouiller ou devoir faire une manœuvre de quai.
Finalement Renaissance rejoindra la dizaine de bateaux au mouillage car le vent souffle toujours autant. JR sautera dans l’annexe direction les officiels afin de se présenter et voir la marche à suivre…
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