Faudra r’venir plus tard ! :)
Salut ! Après 3 jours de mer, nous sommes arrivés à Cuba, et Renaissance est actuellement à l’ancre devant un des nombreux cayos inhabités des Jardins de la Reine… Il nous reste une centaine de milles avant de rejoindre Cienfuegos comme prévu. Tentons d’attendre le vent car nos réserves de carburant diminuent sérieusement ! J’appréhende les formalités arf… Bon sinon, tout va bien, il fait très beau, la mer est méga plate, petit vent léger pour raffraichir, une eau cristaline ! Des poissons énormes ! On a même vu notre premier requin, gentil :) Voilà, à plus et pas de nouvelles avant 5 ou 6 jours ! Belle-soeur, si tu peux nous envoyer sur l’iridium la méthode de cuisson des lambis (ces gros coquillages)… Y’en a des centaines sous la coque du bateau et on n’ a plus rien à croquer ! On te remercie ;)
Aux alentours de midi, le guindeau reprend du service pour récupérer notre ancre et nous quittons ainsi l’Ile à Vache. Juste derrière celle-ci, nous trouvons 15 nœuds de sud-est qui permettent à Renaissance de faire route au près le temps de rejoindre le Cap Haïtien. Un courant plus que favorable nous accompagne puisque nous traçons à plus de 7 nœuds avec voilure légèrement réduite.
Le soir venu, nous commençons la traversée du Windward Passage, canal de 180 milles séparant Haïti de Cuba. Malheureusement, nous chopons rapidement la pétole au lieu des 10 nœuds de vent de travers annoncé et c’est grâce à notre moteur que nous avançons une bonne partie de la nuit.
Deuxième jour et nous voilà luttant à la voile. Renaissance progresse avec peine à 3 nœuds dans un vent léger et une allure portante. Durant les heures les plus chaudes de la journée, le vent monte un peu mais ce n’est pas pour autant que le bateau accélère. Bizarre ! Même crade, Renaissance file d’habitude un peu plus rapidement avec les conditions actuelles. Nous pensons à un courant de face qui nous ralentirait, ce qui est d’autant plus louche que nous devrions l’avoir avec nous ! Nous pensons même traîner quelque chose derrière le bateau mais nous avons beau regarder, il n’y a rien qui pourrait expliquer notre lenteur. Allongé sur le pont à la poupe du voilier, JR croit durant un instant voir une masse coincée devant le safran, peut-être une bouée. Nous décidons alors d’enrouler le génois afin qu’il puisse aller voir sous le bateau, avec un harnais croché sur l’échelle. En fait, fausse alerte, il n’y avait rien du tout ! Contre courant donc… C’aura été là l’occasion d’un bain de mer rafraîchissant en pleine navigation ! :)
En avant Renaissance !
La mer s’aplatit de plus en plus. Autour de nous, de très nombreuses algues font route en sens inverse. La mer des Sargasses n’est pas loin ! Dur pour la traîne, les hameçons se garnissent de salade…
Yoda nous pète un câble. Elle vient de nous faire un bon quart d’heure entier de « miaou » ininterrompus ! Sur le coup, on a eu un peu peur qu’elle aie bouffé un truc pas bon ou qu’elle se soit fait mal. En plus, elle était toute pommée. Et puis non, comme ça, après un p’tit moment, elle a arrêté de piailler. Mystère ! Bien sur, on n’exclue pas que ce soit sa manière de dire « Fait chier, y’en a marre de naviguer, j’en ai marre de vos conneries ! » arf.
C’est quand qu’on arrive !
Le soir venu, nous longeons Cuba et nous doublons le Cabo Cruz. Nous hésitons un moment à nous y arrêter mais finalement préférons continuer. Nous n’avons pas fait notre entrée dans le pays et il y a un poste de la guarda juste en face du mouillage. Et même si nous pouvons toujours prétexter un problème mécanique, cela ne nous emballe pas tellement de les voir débouler…
La nuit suivante sera douce, sous demie lune. Nous avons la délicieuse impression de flotter dans un univers suspendu où le ciel et la mer se confondent. Notre sillage dévoile le plancton fluorescent chamboulé sur cette mer tranquille. Renaissance gagne quelques milles à la voile, ôh pas bien vite, de 2 à 4 nœuds mais c’est toujours ça de fait…
Tous les matins, les dauphins nous rendent visite peu avant le lever du soleil. Malheureusement, ils semblent toujours pressés et nous quittent assez vite.
Sinon, je crois que nous n’avons jamais vu la mer Caraïbe ainsi, aussi calme et sereine. La moitié de nos mouillages sont plus agités que ça mdr ! Parfois, c’est juste une très longue ondulation qui arrive jusqu’à notre coque mais nous restons à plat… C’est méga appréciable et la vie à bord en est super facilitée.
Lever de soleil sur une Caraïbe endormie
Nous attendons le vent. Quelques petites risées, c’est reparti ?
Et non ! C’est ce qu’on appelle une mer d’huile !
Troisième jour, alors là, c’est la pétole intense ! Le guide nous dit qu’habituellement, sur cette partie de la côte cubaine, le vent moyen est de 6 à 10 nœuds de secteur est. Et effectivement, nous devons avoir à peine 4 nœuds réels plein cul donc 0 apparents ! Nous choisissons de faire un stop dans les Jardins de la Reine, faute d’air mais surtout car grosse chaleur intenable. L’atmosphère est très très lourde, pas un pet d’air. Nous rôtissons à petit feu et le pont est bouillant ! Et puis, nous ne pouvons pas continuer ainsi au moteur ne sachant toujours pas combien il consomme et combien fait exactement notre réservoir principal… On va donc se poser un peu, un jour ou deux, reprendre un grib, afin de repartir avec le vent…
Les cayes apparaissent peu à peu à tribord. Ce sont des centaines d’îlots déserts et inhabités, pas très volumineux, souvent constitués de mangrove et protégés pour la plupart par des bancs de coraux. Nous optons pour un mouillage facile, entre deux cayes, qui ne nous éloigne pas trop de notre route principale.
Les cayos en question…
Nous croisons un autre voilier qui comme nous fait route pas bien vite le long des îles au moteur. A quelques milles de l’arrivée, il troquera sa grand voile aussi inefficace que la notre contre un taud de soleil ! Nous n’osons pas faire de même et tentons de nous protéger en accrochant le doudou de Yoda (un grand paréo) sur la bôme pour avoir un peu d’ombre dans le cockpit…
Alors que j’ai tiré vainement mes deux lignes de traîne durant ces 3 jours passés, c’est naturellement au moment de l’arrivée et au moment de clôturer la session pêche, qu’un poisson se décide enfin à croquer mon leurre Poulpy Prairie ! Malheureusement c’est un décroché et j’ai bien failli partir à la baille lors de la touche… Je comptais aussi beaucoup sur Poulpy Barbie mais celui ci a disparu hier. Sûrement dans l’estomac ou pendouillant à la bouche d’un de ces voraces qui ne veulent pas se laisser attraper…On dit que les eaux de Cuba regorgent de poissons. Je me promets secrètement de faire mieux la prochaine fois et de soigner la confection de mes lignes. Du poisson, on va en bouffer !
Un groupe de dauphins passent au loin survolés par des frégates. Nous apercevons des tortues qui pataugent à la surface. L’eau est si claire qu’on visualise très bien le fond de corail sous le bateau à 15m plus bas ! Ca y est, le mouillage se dessine droit devant, on y est… :)
Tout le monde a déjà entendu parler d’Haïti, ne serait-ce que vaguement par les infos à la téloche… Hispaniola, grande île de la Caraïbe coupée en deux. Deux tiers hispaniques, la République Dominicaine, un tiers anciennement français puis indépendant depuis 1804, Haïti. Fierté d’être la toute première république noire indépendante ! Mais… Papa Doc, Aristide, les Chimères, de désastres en instabilités politiques… De plus, les catastrophes naturelles ont tendance à frapper souvent le pays : multiples cyclones, pluies diluviennes, glissements de terrains sur des sols érodés à cause d’une déforestation excessive, appauvrissement des terres, terribles séismes dont celui de 2010, urgence sanitaire, épidémie de choléra… Aujourd’hui, Haïti est le pays le plus pauvre de tout l’arc antillais. Pauvreté qui s’accompagne de tous ses maux habituels ; malnutrition, chômage, violence, insécurité, accès très restreint et payant à l’éducation…
Le tableau n’est pas vraiment avenant. Mais tout au sud-ouest d’Haïti, il y a l’Ile à Vache. Petit bout de terre à l’écart de tout ça malgré bien sur des difficultés quotidiennes évidentes. Comme nous le confirmera un île-à-vachois avec qui nous avons pu discuter, cette île est presque un petit paradis comparé à l’île mère d’en face…
Ici pas de moteurs pour les bateaux, les pêcheurs sont à la voile. Quand il y a trop de vent, ils ne peuvent pas sortir. Ne pouvant pas couvrir de longues distances, leur périmètre de pêche est assez restreint et contribue donc à appauvrir les ressources. Par exemple, les poissons et les langoustes pêchés sont de plus en plus petits… Pas de véhicule motorisé à terre non plus ou très très peu. Pas d’électricité sauf quelques lampadaires isolés fonctionnant grâce à un petit panneau solaire. Pas d’eau courante et pas d’eau potable sans traiter et conserver l’eau de pluie. Pas d’école pour tous. Peu de travail et beaucoup de débrouilles… Et pourtant, les île-à-vachois sont vraiment accueillants, souriants et bienveillants. Il serait dommage de passer devant cette île sans s’y arrêter au moins quelques jours. D’autant plus, que l’Ile à Vache est réellement belle. Le mouillage où nous sommes est un port naturel bien protégé de la mer et des vents. La baie est bordée de cocotiers et l’île entière est toute verte. Au loin, plusieurs petites cayes sont également coiffées de végétation…
Pour tout dire, nous avions un peu peur d’arriver les mains (presque) vides par rapport aux flottilles de bateaux qui ramènent avec eux toutes sortes de choses, notamment pour l’orphelinat de Sœur Flora. L’escale s’est décidée en cours de route et nous n’avions pas préparé du tout cet arrêt alors qu’il aurait été judicieux de le faire bien avant le départ. Vous allez à Haïti ? Aaaah vous aussi, vous faites également de l’humanitaiiire !! Euh bah non. Un peu culpabilisant du coup ces bons samaritains. Alors on a fait avec les moyens du bord en récupérant tout ce qui ne servait pas ou plus dans le bateau et qui leur sera d’une plus grande utilité. De toute façon, quand on arrive à l’Ile à Vache, c’est la claque. Les différences socio-économiques entre nous (les petits blancs en vacances sur des supers bateaux à plusieurs milliers d’euros) et la population démunie qui galère tous les jours, sont si énormes qu’on se sent salement trop riches et qu’on réalise que ce qui leur manque est finalement des essentiels. Je me suis séparée d’une bonne partie de médoc et de trucs à pansements au centre de santé du village. Des casseroles et de plats qu’on n’utilisait plus aux mamas, de fils et d’hameçons aux pêcheurs, de kg de pates et de riz et nous avons aussi troqué des pagaies célibataires, des tongs, des bouts, des crayons… contre des fruits et des légumes, du poisson…
Les sollicitations sont très nombreuses mais rarement insistantes. Les jeunes et quelques rares adultes se proposent pour vous trouver tout ce qui pourrait vous manquer et plus encore : gasoil, gaz, plats créoles, nettoyage du bateau, lustrage des inox, balade, taxiboat sur l’île d’en face, guide sur l’Ile à Vache, lessives, visite de l’hôtel américain (?), clé 3G, eau même si plus compliqué… Très peu de mendicité au final sauf de la part des tous petits à terre qui en fait ne savent pas trop ce qu’ils racontent mais qui semblent réciter ce que les plus grands leur ont appris. Comment tu t’appelles ? Moi c’est … C’est la première fois que tu viens à Haïti ? Bienvenue à l’Ile à Vache ! Est-ce que… Nous n’avions pas besoin de grand chose et nous ne disposions que de très peu d’argent liquide et pas de petites coupures donc nous avons souvent refusé leurs services. Mais pas de soucis ici et pas d’embrouilles, aucunement assimilables aux boat-boys des petites Antilles par exemple… Dans l’ensemble, on a préféré l’échange.
Maisons du village
Le centre de santé
Cet arrêt a aussi le mérite de faire réfléchir et de soulever de multiples interrogations. Tiens aller par exemple, est-il éthique de payer un môme 5 $US pour qu’il nettoie la coque de son bateau ? Ouiii, mais ici au moins ils ont envie de travailler ça fait plaisir, pas comme chez nous… Hum. Nous n’avons pas la réponse à cette question mais depuis le Cap-Vert, cette idée nous a toujours dérangé. Les dons gratuits sont mauvais et engendrent la mendicité alors je les fais travailler. J’aide le môme, en plus ça le responsabilise. Mais le môme il devrait pas être à l’école plutôt que dans l’eau à gratter la coque du bateau d’un touriste ? Et puis peut être qu’il n’attend pas après le touriste pour se responsabiliser ? Oui, je sais qu’il faudrait aller voir les parents, ou encore mieux l’école. Mais les parents gardent tout pour eux. Et 5 $US pour un boulot de merde, contraignant et surtout extrêmement fatigant tu le ferais ? Ouiii mais la vie ici est moins chère, c’est déjà beaucoup pour eux et il ne faut pas qu’il gagne plus que ses parents. Mais c’est bien qu’il travaille un peu. Ok donc finalement c’est peut être normal de délocaliser de grandes et riches entreprises dans les pays pauvres pour qu’ils emploient de la manœuvre pas chère, enfin qu’ils les fassent travailler un peu ? Oh et puis on ne va pas les payer plus étant donné que le coût de la vie chez eux est misérable. Bah non, on va juste en profiter légèrement finalement, tout en se donnant bonne conscience… Non ?
On a également eu vent du projet du gouvernement de vendre l’Ile à Vache à des promoteurs pour y construire un/des hôtel(s). Le projet était de virer les île-à-vachois de chez eux pour récupérer leurs terres. Ces derniers se sont rebellés, ont entravé les premières routes fraîchement construites et ont manifesté leur désaccord. Tu m’étonnes. A ce qu’on a compris, le gouvernement a plié et pour le moment, ils resteraient chez eux. Ils ne se disent pas contre l’installation d’hôtels sur l’île mais ne veulent pas être expulsés tout simplement comme ça. Là encore, on peut s’interroger sur les retombées économiques pour les populations locales du tourisme dans les pays pauvres… Au mieux, ça permet à ces pays de s’ouvrir au monde et de se développer en créant des infrastructures comme des routes, de l’éclairage et des bâtiments publics qui serviront à tous (encore faut-il en avoir besoin des routes, et voui sans voitures…), cela crée des emplois, ça rapporte de l’argent au pays mais là encore, il faut ensuite que le gouvernement redistribue à bon escient, en finançant des écoles et des hôpitaux par exemple… Au pire, les sites un peu intéressants et les plus esthétiques seront construits, pourquoi pas bétonnés très laids pour finir par défigurer complètement l’endroit. Ah sans oublier les barbelés ! Les investisseurs étrangers amèneront leur propre main d’œuvre puisque les locaux n’ont évidemment pas suffisamment de formation. Les seuls haïtiens employés seront balayeurs ou femmes de ménage. Les touristes ne sortiront pas de leur hôtel tout inclus et n’auront donc aucun contact avec la population. Ah oui dehors, c’est un peu plus rude et déjà beaucoup moins glamour… Et c’est l’état qui récoltera. Bref, compliqué tout ça.
« Bois fouillé » en créole : pirogue creusée dans un tronc.
Une branche de cocotier fait office de pagaie…
Pêcheurs rentrant au port
Cocotiers sur la côte
Bon aller, j’en reviens à nos oignions. Après une dernière balade dans l’île, nous remontons à bord et commençons à préparer le bateau. Le temps passe de plus en plus vite car le retour approche. Et maintenant Cuba nous appelle ! Comme nous aimerions toucher Cienfuegos avant la fin mars, nous décidons de reprendre la mer dès le lendemain pour un périple de 475 milles ! On abandonne du coup l’idée d’aller à Santiago (plus près que Cienfuegos) et préférons faire le grand tour de Cuba comme espéré et visiter ainsi la Havane. Les gribs annoncés sont un peu mous, du coup on espère avoir un peu plus de vent que prévu. Mais de toute façon, si les conditions ne sont pas idéales, il est probable que nous ferons un ou deux stops dans les Jardins de la Reine avant d’arriver…
Maintenant prochaines news par l’Iridium… ;)
En pratique :
Le mouillage dans la baie de Féret à l’Ile à Vache est payant : 5 $US pour la sécurité soit disant (pas de problème ici) et la logistique… mais « le chef de port » s’occupe aussi de récolter les poubelles du bord si besoin. A ce qu’on a compris, ces dernières sont récupérées par un canadien qui les brûle un peu plus haut…
Les petites choses les plus appréciées sont les choses du quotidien, la bouffe, le matos de pêche, les bouts, les vêtements, les tongs, les crayons et les cahiers (pour les écoles), les vieilles voiles, les médicaments (antibio et autres traitements indispensables et chers, pour les dispensaires)… Possibilité de se rapprocher d’associations locales, voir sur le net. Bonbons toujours à éviter.
Marché sur l’Ile à Vache deux fois par semaine.
Wifi de l’hôtel français fermé et payant. Possibilité de louer une clé 3G pour 3 $US de l’heure ou troc (Michelet) ou cybercafé au village…
Monnaie : gourdes, mais dollars et euros (pas les pièces) ok. Possibilité de change à l’hôtel.
Et pour quatre jours, nous n’avons pas cherché à faire les formalités d’usage…
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