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Cayos de Dios

La houle devant progressivement virer sud-est, nous nous remettons en route dès le lendemain matin pour une petite virée d’à peine dix milles. Pénards, sous génois seul, nous naviguons juste au nord des cayes dans 3 à 8m d’eau turquoise parfaitement cristalline. La barrière de corail nous protégeant du plus gros de la houle…

Un peu plus tard, nous arrivons à destination et posons notre ancre par 3m de fond sur un patch de sable devant Cayo Sal. Ce petit îlot est du même acabit que le précédent, là encore complètement corallien et assez hostile. Mais ce coup-ci, il est totalement vierge et inhabité. Après un déjeuner léger, nous passerons le reste de la journée à vagabonder sur l’île, et également sous l’eau à observer la faune sous-marine.

Un peu plus tard dans l’après-midi, les australiens nous rejoignent au mouillage. Nous sommes deux voiliers dans cette petite anse entourée de corail. Plus de bateaux de loc’, plus de mouillage bondé, plus personne, plus rien… Nous nous sentons à des années lumières des petites Antilles et ça a du bon ! Quelle bêtise ç’aurait été de ne pas pousser plus loin…

Le lendemain, nous partons à la chasse à la langouste… mais après plusieurs heures, nous rentrons bredouilles et assez dépités ! Les grandes antennes sont restées cachées. Même sur la barrière à l’ouest de la caye, nous n’en avons pas vu alors que normalement, elles abondent dans cet archipel au sud de Cuba. Maigre consolation, nos voisins plus expérimentés et armés comme des professionnels rentrent également les poches vides ! Nous apprenons au passage qu’ils sont partis d’Australie depuis 7 ans et qu’ils comptent traîner encore un peu dans la Caraïbe avant de se rapprocher doucement de Panama… Pas mal de chemin !

Tout comme eux, nous trouvons l’endroit fort sympathique et passons une deuxième nuit dans ce petit havre de paix…

Une des nombreuses aigrettes

Lagon de la côte nord, attention sables mouvants (d’après JR) !

La compagnie arrive !

Renaissance au mouillage de Cayo Sal

A la découverte de ce qui se cache dessous !

Nombreuses carangues, un peu trop familières à mon goût

Peut importe où nous trouvons, nous avons toujours au moins un barracuda qui rôde autour de nous. Inquiétant car prédateur à grandes dents !

Cap sur l’archipel des Cannareos

Hop hop hop, nous sommes sur le qui-vive depuis 7h patientant le temps que le port et ses employés s’éveillent. 10h, les pleins sont faits et enfin la guarda frontera nous remet notre despacho pour la prochaine destination : Cayo Largo… Nous nous grouillons de larguer les amarres de Cienfuegos et mettons cap au sud-ouest pour les prochains 50 milles de mer. Renaissance se pare de toute sa voilure car le vent ne semble pas très établi pour l’instant. Nous filons comme ça un petit moment avant de nous retrouver engluer dans une zone sans vent et complètement brouillonne. La houle a perdu la boule ! Elle est multiple et nous attaque de tous les côtés, sympa. Le bateau se fait terriblement bringuebaler. Peut-être sommes-nous dans une zone où les courants se rencontrent ou s’inversent, je ne sais pas. Ce que je sais pas contre, c’est qu’on doit vite se dégager de là, surtout qu’un peu plus loin devant, la mer moutonne ! Le génois est enroulé, le moteur est démarré mais la grand-voile claque. Un peu l’impression de se prendre des coups dans le bide à chaque claquement… Nous serrons fort les dents le temps de rejoindre la zone de vent et dix minutes plus tard, le génois est renvoyé. Ça y est nous sommes de nouveau à la voile et stable. Enfin euh, plus ou moins stable, en fait autant qu’on puisse l’être aux trois quarts arrières avec une bonne houle et un vent un peu timide !

En milieu d’après-midi, nous nous faisons doubler par un cata australien qui prend contact avec nous par VHF. On a croisé son capitaine ce matin juste avant de quitter le port et savons maintenant que nous faisons même route. Car comme eux, nous visons finalement la toute première île.

Sous bonne escorte

Aïe, nous remarquons que notre grand-voile présente maintenant une blessure de guerre ! C’est au niveau d’un des coulisseaux, assurément une zone de faiblesse, que la voile s’est déchirée sur une dizaine de centimètres. Va falloir recoudre ça lorsque nous aurons un peu de temps. Et ensuite visiter une voilerie aux Bahamas (?) ou aux Bermudes si notre réparation de fortune tient un tant soit peu la route. En attendant, tachons de la préserver au maximum…

Le soleil descend sur l’horizon de plus en plus rapidement au fur et à mesure que nous nous rapprochons de la caye la plus proche. Course contre la montre pour arriver avant l’obscurité surtout que nous savons que 1) la caye n’est pas à la position indiquée sur la carte, et que 2) deux grosses patates de corail dangereuses car affleurantes se situent en plein milieu du mouillage ! Cool, heureusement Renaissance continue à filer à plus de 5 nœuds… Bon bateau que tu es !

18h, nous contournons très largement le récif situé au nord de Guano Del Este avant de poser l’ancre près de nos collègues australiens par 8m de fond de sable et d’herbes. Nous visualisons très bien les patates de corail localisées vers le phare et effectivement, ya carrément moyen de se faire gros bobo avec…

Guano Del Este est une caye faite entièrement de corail, à la végétation pauvrette et surmonté d’un phare puissant en forme de fusée qui date des années 1970. Sur l’île, vivent deux ou trois gardiens qui se relaient pour remonter le mécanisme régulièrement. De l’autre côté, une plage dont nous apercevons l’extrémité et qui permet de débarquer sur l’île. De par son orientation, le mouillage est souvent réputé rouleur mais grâce à la houle principalement d’est que nous avons en ce moment, nous y passerons une très bonne nuit ! :)

Ça a l’air un peu tristounet comme ça… mais en vrai, ça a du charme !

La tuile en partant

Déjà cinq six jours que nous sommes à Cienfuegos, il est grand temps de quitter la civilisation pour découvrir les petites plages et l’eau turquoise des cayes du sud.
Mais avant ça, nous devons rejoindre la marina pour un plein d’eau, de gasoil et pour récupérer notre despacho de sortie.
Il nous aura fallu poireauter pratiquement une journée entière avant que le ponton carburant se libère, et encore, à moitié. Les pare-battages et les amarres étaient en place depuis un moment. Il ne restait plus qu’à y aller. Dès que la place fut libre, nous nous sommes grouillés de relever l’ancre pour atteindre le ponton. Mais là gros souci : impossible de remonter les dix derniers mètres de chaîne et de ramener l’ancre au bateau ! Mais impossible de chez impossible, chaîne tendue à la verticale ! On a tenté de rallonger et de reprendre la chaîne selon différents axes mais rien à faire… Pas le choix capitaine râleur, tu dois plonger et aller voir ce qui se passe là dessous ! L’eau est maronnasse sur un fond de vase et le soleil n’est plus bien haut dans le ciel. Heureusement, le vent est encore calme. Quelques minutes plus tard, Jean-Rémy remontera avec le verdict : la chaîne a fait un tour mort autour d’un gros bloc de béton, le genre de truc qui servait peut-être de lest à un ancien corps mort. Pire, la verge de l’ancre est engagée sous le bloc dans le sens contraire à notre traction, la chaîne passant en dessous, puis au dessus, puis en dessous… Ce bazar arf !

Après avoir essayé de multiples choses pour nous dégager de là en un seul bout, nous sommes contraints de couper nos dix premiers mètres de chaîne. Mais juste avant, nous avons croché un mousqueton + une amarre sur la tête de l’ancre et repris le tout sur un des taquets de devant. Là, nous avons alors donné plein gaz en marche arrière plusieurs fois en tirant comme des tarés sur l’amarre. Rien n’y faisait. Mais au bout de la sixième fois et alors que nous allions abandonner et partir sans notre ancre, enfin, je sens un à-coup et il s’avère que nous reculons sur le Amel de derrière ! Miracle ! Le mousqueton a pété ? Non non ! C’est bien notre Delta qui remonte au bout de l’amarre et les premiers mètres de chaîne suivent ! Youhou ! Bon c’est pas que mais on y va maintenant à ce ponton carburant !? Cinq minutes plus tard, nous sommes devant la pompe mais évidemment la capitainerie est à présent fermée héhé. Pas d’eau non plus, il faudra patienter jusqu’à demain 8h pour faire les pleins. Ce qui ne nous arrange pas vraiment puisque nous avions prévu de partir très tôt demain pour rejoindre les îlots du sud-ouest situés à 50 milles de nous et que l’arrivée de jour est vivement conseillée, sinon obligatoire ! Bon, patience…

JR remettra l’ancre à sa place sur le guindeau et du coup, nous ne possédons plus que 50-60 mètres de chaîne au lieu des 60-70 initiaux. (Je ne sais plus trop exactement) Ce qui n’est pas bien grave et largement suffisant. Les mouillages avec plus de dix mètres de fond étant finalement très rares. Pour l’ancre et dans le pire des cas, nous avions toujours notre ancienne CQR amarrée au fond d’un coffre prête à prendre le relais si besoin…

Un orin n’aurait été d’aucune utilité sur ce coup. En fait, au mouillage de Cienfuegos, les bateaux bougent pas mal autour de leur ancre. Le matin, le vent vient de terre, l’après-midi de mer. Effet de brise thermique en puissance du au relief et aux montagnes de la sierra de l’Escambray toute proche. De plus, il y a quelques jours, nous nous sommes pris un énorme grain ! Le truc de 40 nœuds a duré facilement une petite demi heure et a pris tous les voiliers par surprise. Les tauds volaient, les derniers bateaux arrivés dérapaient, des trombes d’eau s’abattaient sur nous… La folie je vous dis pas ! Et un peu la frousse avec les éclairs qui zébraient le ciel et le tonnerre qui grondait. De plus, ça a levé un vilain et gros clapot qui arrivait jusque dans la marina. On voyait les mats danser et les bateaux sauter. Je pense qu’il y a eu plusieurs équipages qui ont du avoir quelques sueurs froides, les quais étant fixes et en béton bien agressif… Tout ceci a donc sûrement contribué à nous emmêler et bloquer un peu plus la chaîne autour du bloc.

Ah et si vous passez dans le coin, éviter donc les ennuis en posant votre ancre très loin de la position (faut que je complète) ! :)

En deux bouts, mais yes on a tout remonté !

Premiers pas

Cuba est la plus grande île des Antilles avec près de 110 000 km2 de terres et près de 1200 km de côte sur la longueur. Il faut également noter qu’elle possède plus de 1600 îlots pour la plupart encore vierges et inhabités, éden pour la navigation, et qui sont regroupés en quatre archipels principaux. Au carrefour de l’Atlantique, de la Caraïbe et du golfe du Mexique, Cuba occupe une position stratégique, à deux pas des Etats-Unis le grand ennemi, des Bahamas, d’Hispaniola, de la Jamaïque, des Cayman…
Au centre et sur la côte sud de l’île, se trouve la ville de Cienfuegos, surnommée la Perla del Sur, que nous sommes partis découvrir peu de temps après notre arrivée. Le malecon, le prado, le centre historique classé au patrimoine mondial par l’Unesco, le parc José Marti… Cienfuegos est une ville sympathique, aérée et super propre. Malgré la chaleur, nous avons pris plaisir à nous balader dans les différents quartiers. Une petite glace faisant bien l’affaire sur le chemin du retour ! Pas de choix de parfums, mais à Cuba tu ne fais de toute façon pas le difficile et qu’importe ; on s’est régalé ! :)

Le club nautique, très chic !

Travail de fer forgé, très courant sur les devantures des maisons

Nous avons aussi découvert les moyens de transports cubains : bicy taxi, roulotte avec cheval, taxi officiel ou non, scooters souvent électriques, vieilles bagnoles américaines, bus et vieux camions à benne… Beaucoup sont contraints de circuler à pieds, de faire du stop ou faire des queues interminables devant les stations de bus, donc tout ce qui peut rouler est recyclé et mis à contribution.

Moyen de locomotion un peu d’un autre âge
(normalement réservé aux cubains, et oui ya des trucs pour touristes et des trucs pour cubains !)

Après plusieurs jours en mer, nous nous mettons également en quête d’avitaillement. Pas si facile à Cuba ! Déjà, il faut comprendre leur système monétaire. Il y a les pesos convertibles, les CUC indexés sur le dollar US, pour les touristes, les produits manufacturés et l’économie étrangère. Puis les pesos non convertibles ou la moneda nacional pour les cubains et les produits de base. Sans certitude, 1 CUC = 25 pesos et du change peut se faire dans les banques, dans les hôtels et dans les cadecas…

Palacio de Valle, Punta Gorda

Après la révolution, la libreta ou le carnet d’alimentation a été instauré afin que tout cubain quelque soit sa résidence ou son niveau social, puisse avoir accès aux produits de première nécessité comme le riz, la viande, le poisson, le sucre, les produits d’hygiène… Véritable symbole d’égalité entre tous. Malheureusement, maintenant et après la chute du bloc de l’Est qui a grandement contribué au déclin économique de l’île, ce système social alimentaire ne fonctionne plus. A présent, les denrées sont rationnées et insuffisantes, les arrivages très irréguliers, la qualité médiocre. Beaucoup de produits ont été retirés de la libreta ; plus de savon, de dentifrice, de brosses à dent, de détergents, de papier toilette, de lessive… Tout ce qui ne se trouve plus dans les bodegas grâce à la libreta s’achète dorénavant dans les agromercado au prix fort et en CUC. Parallèlement à ça, un énorme marché noir s’est développé où pratiquement tout ou presque peut se trouver discrétos dans la rue.

Dans une rue de Cienfuegos…

Bicy taxi sur le malecon !

Le salaire moyen d’un cubain est d’environ 19 CUC, soit grosso modo 450 pesos. Avec un pouvoir d’achat si faible, beaucoup n’ont donc pas les moyens d’accéder aux produits qui leur font défaut. Les inégalités se creusent ainsi bien vite entre les plus riches qui ont accès aux pesos convertibles et les autres… Deux monnaies pour une société à deux vitesses.
Sans compter d’autres aberrations… Par exemple, les eaux cubaines regorgent de langoustes. Mais celles-ci sont interdites de consommation aux cubains et uniquement destinées à l’export ou aux touristes ! La consommation de bœuf est également illicite… De toute manière, pratiquement tout appartient à l’Etat, les terres, les moyens de production et la main d’œuvre.
Beaucoup se trouvent obligés de cumuler les emplois ou de trouver des petits boulots plus ou moins légaux, en faisant chauffeur taxi clandestin par exemple… Pas d’autre choix, c’est la débrouille, le système D, le recyclage aussi.

Pour cause d’embargo américain, on ne trouve pas tout à Cuba même si le pays développe des partenariats économiques avec d’autres pays, l’Amérique du Sud, l’Europe, la Chine…
Pour nous qui disposons de la monnaie forte, le choix pour l’avitaillement est certes restreint mais avec tout de même de quoi se nourrir. A Cienfuegos, on achète assez facilement, du moins selon les étals, des œufs, du pain, du lait, du poulet, du cochon, ou les deux mélangés… Il faut faire plusieurs magasins pour espérer se constituer quelques provisions car ils ne possèdent pas les mêmes articles. Avec celui de la marina, la station service et l’agro un peu plus loin, nous regarnissons un peu les placards du bateau… Pour les légumes, il y a plusieurs tiendas en centre ville où alors mieux, on a la chance de tomber sur un vendeur ambulant. Une règle d’or à Cuba est d’acheter tout de suite, car demain, il n’y aura peut-être plus rien dans les stocks…

Avec cette dictature de velours et liberticide (tout opposant au régime notamment, censure des médias…), l’inefficacité du système économique et un blocus américain toujours en cours depuis 1962 !, on comprend aisément que la vie ici est loin d’être rose. Mais peu à peu, très lentement, les choses évolueraient-elles ? Par exemple à présent, les cubains sont autorisés à avoir un passeport et ont le droit d’acheter un billet d’avion (2013), de se connecter à Internet grâce à l’ouverture de plusieurs salles de connexion à travers le pays (2013), de posséder un téléphone portable et un ordinateur personnel… Certains diront là que ce n’est que du bluff, les prix restant prohibitifs pour n’importe quel cubain et qu’il faut toujours une autorisation avant de quitter le pays et que cela ne peut se faire qu’en avion, mais tout de même, ça bouge un peu… Et le changement, bah c’est ce qu’on leur souhaite de mieux.

NB : Deux points positifs tout de même : la santé et l’éducation sont les deux grandes réussites du socialisme cubain ; accessibles à tous et complètement gratuites. Il n’y a qu’à voir l’espérance de vie moyenne et le taux d’alphabétisation. Efficaces ! Le niveau sanitaire cubain est parfois même supérieur aux pays plus développés malgré des difficultés réelles, les moyens du bord, le manque de matériel et de médicaments… alors que l’embargo US ne doit normalement pas concerner ces derniers…

Palacio de Gobierno, parque José Marti

Sur le Prado

Façades décrépies mais habillées et colorées…